Đề tài Acte de reproche en français et en vietnamien

Tài liệu Đề tài Acte de reproche en français et en vietnamien: Table des matières introduction 5 premier chapitre : Fondement théorique 8 I. conceptions théoriques 8 1. Acte de langage 8 1.1. Notions d’acte de langage 8 1.2. Classification des actes de langage 9 1.3. Formulation des actes de langage. 11 1.3.1. Formulation directe 11 1.3.2. Formulation indirecte 12 2. Relation interpersonnelle dans l’interaction verbale 14 2.1. Relation horizontale 14 2.2. Relation verticale 15 3. Politesse 16 3.1. Notions de “face” et de “territoire” de E. Goffman 16 3.2. Modèle de politesse de Brown et Levinson 17 3.2.1. Notion de “face” 17 3.2.2. Notion de FTA (“Face Threatening Act”) 17 3.2.3. Notion de “face want” (ménagement de face) 18 3.2.4. Notion de “face work” (travail de face) 18 3.3. Modèle de politesse de C. Kerbrat-Orecchioni 19 3.3.1. Notion de FFA (“Face Flattering Act”) 19 3.3.2. Politesse négative vs positive 19 3.3.3. Stratégies de politesse 20 3.3.3.1. Procédés de la politesse négative 20 3.3.3.2. Procédés de la polites...

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Table des matières introduction 5 premier chapitre : Fondement théorique 8 I. conceptions théoriques 8 1. Acte de langage 8 1.1. Notions d’acte de langage 8 1.2. Classification des actes de langage 9 1.3. Formulation des actes de langage. 11 1.3.1. Formulation directe 11 1.3.2. Formulation indirecte 12 2. Relation interpersonnelle dans l’interaction verbale 14 2.1. Relation horizontale 14 2.2. Relation verticale 15 3. Politesse 16 3.1. Notions de “face” et de “territoire” de E. Goffman 16 3.2. Modèle de politesse de Brown et Levinson 17 3.2.1. Notion de “face” 17 3.2.2. Notion de FTA (“Face Threatening Act”) 17 3.2.3. Notion de “face want” (ménagement de face) 18 3.2.4. Notion de “face work” (travail de face) 18 3.3. Modèle de politesse de C. Kerbrat-Orecchioni 19 3.3.1. Notion de FFA (“Face Flattering Act”) 19 3.3.2. Politesse négative vs positive 19 3.3.3. Stratégies de politesse 20 3.3.3.1. Procédés de la politesse négative 20 3.3.3.2. Procédés de la politesse positive 22 II. définition du reproche 23 1. Définitions dans les dictionnaires 23 2. Le reproche sous l’angle pragmatique 25 Deuxième chapitre : Constitution et Analyse du corpus 27 I. Constitution du corpus 27 1. Choix de la méthode de collecte des données 27 1.1. Problème du choix de la méthode de collecte des données 27 1.2. Justification du corpus littéraire contemporain 29 2. Présentation du corpus 29 2.1. Corpus en français 29 2.2. Corpus en vietnamien 31 3. Méthode d’analyse des données 33 II. Analyse du corpus 34 1. Objet de reproche 34 1.1. Parole 34 1.2. Attitude 35 1.3. Action 35 1.3.1. Action non réalisée 35 1.3.2. Action mal réalisée 37 2. Types de reproches 39 2.1. Reproche direct 39 2.2. Reproche indirect 40 2.3. Reproche mixte - direct et indirect 41 2.4. Reproche - trope communicationnel 41 3. Relation interpersonnelle et reproche 42 3.1. Relation horizontale et reproche 42 3.2. Relation verticale et reproche 43 4. Reproche et face des interactants 43 4.1. Reproche et face de l’allocutaire 44 4.2. Reproche et face de l’énonciateur 45 5. Réaction au reproche 46 5.1. Réaction positive 46 5.2. Réaction négative 49 5.3. Autres types de réactions 50 5.3.1. Déplacement du reproche 50 5.3.2. Renvoi du reproche 51 5.3.3. Évitement au reproche 54 5.3.4. Demande de précision 57 Troisième chapitre : Réalisation du reproche en français et en vietnamien : similitudes et différences 59 I. réalisation du reproche 59 1. Réalisation du reproche en français 59 1.1. Moyens lexicaux 59 1.1.1. Verbe performatif 59 1.1.2. Termes à sens négatif 60 1.2. Moyens morphologiques 61 1.3. Moyens syntaxiques 62 1.3.1. Phrase exlamative 62 1.3.2. Phrase assertive 63 1.3.3. Phrase interrogative 64 1.3.4. Phrase injonctive 65 1.4. Combinaison des moyens 66 2. Réalisation du reproche en vietnamien 68 2.1. Moyens lexicaux 69 2.2. Moyens morpho-syntaxiques 69 2.2.1. Phrase exlamative 69 2.2.2. Phrase assertive 70 2.2.3. Phrase interrogative 71 2.2.4. Phrase injonctive 75 2.2.5. Combinaison des types de phrases 78 2.3. Combinaison des moyens linguitiques 80 3. Procédés de politesse dans la réalisation du reproche 83 3.1. Procédés adoucisseurs dans la réalisation du reproche en français 83 3.1.1. Procédés substitutifs 83 3.1.2. Procédés accompagnateurs 83 3.2. Procédés adoucisseurs dans la réalisation du reproche en vietnamien 84 4. Procédés durcisseurs dans la réalisation du reproche 85 4.1. Procédés durcisseurs dans la réalisation du reproche en français 85 4.2. Procédés durcisseurs dans la réalisation du reproche en vietnamien 86 II. Similitudes et différences dans la réalisation de l’acte de reproche en français et en vietnamien 87 Conclusion 91 Bibliographie 93 Introduction Maîtriser une langue étrangère en général et la langue française en particulier ne signifie pas seulement posséder la compétence linguistique mais encore maîtriser la compétence de communication. Les connaissances pragmatiques et socio-culturelles sont donc indispensables. En fait, les obstacles de type pragmatique et socio-culturel perturbent les interactions verbales plus que le manque de connaissances de la langue : ils provoquent d’une part la difficulté dans la réalisation et l’interprétation des actes de langage et gênent d’autre part la relation interpersonnelle des interactants. Pour arriver à maintenir une bonne relation lors d’une interaction verbale, il faut que les interactants hyperbolisent d’un côté les actes valorisants pour la face et évitent de l’autre côté les actes menaçants pour la face. En réalité, il existe des situations communicatives dans lesquelles les actes menaçants sont inévitables, parmi lesquels l’acte de reproche. Dans ces situations, ce serait bien de trouver des stratégies discursives pour adoucir, limiter leurs effets menaçants/dérangeants. Pour le faire, il nous faut tout d’abord comprendre en profondeur ces actes. Cependant, nous trouvons que les chercheurs français et vietnamiens n’ont mis l’accent que sur les études sur les actes valorisants pour la face : compliment, remerciement, invitation, excuse, etc. Les actes menaçants restent sous-investis. Il nous manque donc les connaissances sur ce type d’actes. Notre travail de recherche sur l’acte de reproche contribuerait à combler en partie cette lacune. Bien que l’acte de reproche est un acte universel, les stratégies de reproche ne sont pas identiques, pour les raisons socio-culturelles, chez les Français et les Vietnamiens. Une étude comparative de l’acte de reproche dans les deux langues serait donc très utile. En effet, elle nous permettra de dégager les points communs et les différences dans la réalisation du reproche en français et en vietnamien. Les connaissances acquises nous permettront d’éviter les conflits dans l’interaction avec les Français. Étant enseignante du français, nous nous intéressons aussi à l’enseignement de cet acte. À notre observation, il n’est pas systématique. Le résultat de notre recherche comparative sur l’acte de reproche dans les deux langues nous aideront à trouver une démarche adéquate pour l’enseignement de l’acte de reproche afin d’éviter les chocs culturels potentiels dans l’interaction franco-vietnamienne. Ce sont les raisons pour lesquelles nous avons décidé de faire une étude sur l’acte de reproche. Notre travail de recherche est intitulé « Acte de reproche en français et en vietnamien ». Les premières réflexions sur l’acte de reproche nous a menée à une série de questions : Qui reproche à qui ? Quelles sont les caractéristiques de l’acte de reproche ? Quels sont les objets de reproche ? Comment les faces des interactants sont-elles menacées par le reproche ? Quels sont les types de réactions au reproche ? Enfin, comment les Français et les Vietnamiens formulent-ils le reproche ? Nous avons également formulé les hypothèses suivantes : Il existe des similitudes ainsi que des différences dans la formulation du reproche en français et en vietnamien. Et ces différences peuvent être expliquées en partie par des facteurs socio-culturels. En menant la présente recherche, nous visons tout d’abord à identifier les caractéristiques et les formules de reproches en français et en vietnamien, puis, à faire ressortir les similitudes et les différences dans les stratégies de reproche dans les deux langues. Nous analysons ensuite l’influence des facteurs socio-culturels sur la réalisation de l’acte de reproche en vietnamien. Afin de parvenir aux objectifs susmentionnés, nous aurons recours à une méthodologie descriptive, analytique et comparative. Nous procéderons à décrire et à analyser les caractéristiques du reproche et les formules à reprocher quelque chose à quelqu’un dans les deux langues. En nous basant sur les résultats de ce travail, nous chercherons à relever les similitudes et les divergences principales dans la réalisation du reproche des Français et des Vietnamiens. Notre travail reposera donc sur deux corpus littéraires contemporains : l’un en français et l’autre en vietnamien. Notre travail de recherche se compose de trois chapitres : fondement théorique, constitution et analyse du corpus et formulation du reproche en français et en vietnamien. Dans le premier chapitre, nous reprendrons tout d’abord quelques notions de base de l’interaction verbale (l’acte de langage, la relation interpersonnelle dans l’interaction verbale et la politesse) qui servent de point de départ pour les deux parties qui suivent. Il sera ensuite réservé à la définition du reproche. Le deuxième chapitre sera consacrée à la constitution et à l’analyse du corpus. Après la justification du choix et la présentation du corpus littéraire contemporain, nous analyserons les formules de reproches constatées dans le corpus. à partir de ces analyses, les caractéristiques de l’acte de reproche pourront être identifiées. Dans le troisième chapitre, nous tenterons de faire une étude comparative de la formulation du reproche en français et en vietnamien pour faire ressortir des similitudes ainsi que des différences dans la réalisation du reproche dans les deux langues. C’est aussi dans ce chapitre que nous voudrions faire émerger les facteurs socio-culturels qui influencent en partie les comportements langagiers dans la réalisation du reproche en français et en vietnamien. Premier chapitre : fondement théorique Ce chapitre sert de point de départ pour notre analyse des caractéristiques et des formulations du reproche en français et en vietnamien que nous allons détailler dans les deux parties qui suivent. Premièrement, nous aborderons les conceptions théoriques concernant l’étude de l’acte de reproche. La deuxième phase sera réservée à l’analyse des définitions du reproche. I. conceptions théoriques Pour pouvoir étudier l’acte de reproche, il nous est indispensable de reprendre quelques notions de base telles que l’acte de langage, la relation interpersonnelle et la politesse dans l’interaction verbale. Une fois ces notions définies, nous passons à la définition de l’acte de reproche. 1. Acte de langage Nous reprendrons dans cette partie la notion, la classification et les formulations des actes de langage. 1.1. Notion d’acte de langage Suivant la conception traditionnelle, le langage ne sert qu’à décrire le monde réel. Selon les linguistes traditionnels, les énoncés ont la propriété d’être vrais ou faux. Le philosophe britanique John L. Austin (1970) a cependant remarqué que le langage est susceptible de réagir sur la réalité. C’est lui qui a distingué 2 types d’énoncés : l’un sert à décrire la réalité et l’autre, à accomplir une action. Le premier est appelé énoncé constatif et le deuxième, énoncé performatif. Il pleut (énoncé constatif) Je te promets que je te dirai la vérité. (énoncé performatif) Il a ensuite fait une distinction entre trois catégories d’actes de langage : les actes locutoires qui correspondent au fait de dire quelque chose, les actes illocutoires accomplis en disant quelque chose et les actes perlocutoires accomplis par le fait de dire quelque chose. En voici un exemple : Acte locutoire : Le professeur a dit à un étudiant : “ Pourriez-vous ouvrir la fenêtre ?” Acte illocutoire : Le professeur a demandé à l’étudiant d’ouvrir la fenêtre. Acte perlocutoire : L’étudiant ouvre la fenêtre. Selon John R. Searle (1970 : 52) “parler une langue, c’est réaliser des actes de langage”. Les actes de langage sont les unités minimales de base de la communication linguistique. Chaque acte a un contenu propositionnel et une force illocutoire particulière (acte de promesse, de reproche, de demande …) 1.2. Classification des actes de langage Austin (1970) a classé les actes illocutoires en 5 catégories. Les verdictifs – les actes qui consistent à juger. Ex : “estimer”, “classer”, “décrire”. Les exercitifs, qui consistent à décider des actions à suivre, par exemple : “commander”, “nommer”, “ renvoyer”, “pardonner”, “proclamer”. Les promissifs, qui obligent le locuteur à agir d’une certaine manière, à adopter une certaine conduite comme “promettre”, “garantir”, “jurer”, “ s’engager”, etc. Les comportatifs, qui expriment la réaction à une conduite, un acte de l’interlocuteur : “s’excuser”, “remercier”, “applaudir”, “féliciter”, “critiquer” , etc. Les expositifs, qui consistent à exposer. Les verbes de ce groupe sont très nombreux, parmi lesquels : “affirmer”, “nier”, “répondre”, “dire”, “illustrer”, “expliquer”, “signifier”, “mentionner”. Cependant, selon Searle (1982 : 48-51), il existe dans la taxinomie d’actes illocutoires d’Austin 6 grands problèmes. Le premier problème, le plus grave, est qu’Austin n’a pas donné de principes, de critères cohérents pour sa classification (par exemple, les promissifs sont définis en terme de but illocutoire tandis que le facteur d’autorité est considéré comme base des exercitifs …). Deuxièmement, Austin fait une confusion entre les actes et les verbes. En effet, il a classifié non pas les actes illocutoires mais les verbes illocutoires. Troisièmement, certains verbes classifiés tels que “avoir l’intention de”, “être prêt à”, “sympathiser”, etc ne sont pas des verbes illocutoires. Quatrièmement, à cause du manque de critères de classification et de la confusion entre les actes et les verbes, les catégories se recouvrent trop largement entre elles. Cinquièmement, il manque d’homogénéité à l’intérieur de chaque catégorie. Sixièmement, les verbes recensés dans chaque classe ne satisfont pas toujours la définition donnée. Ayant conscience de ces inconvénients, Searle a proposé 12 critères pour distinguer les actes de langage. Les critères qu’il considère commes les plus importants sont : Le but de l’acte (le but illocutoire) : pour Searle, c’est la condition la plus importante qui forme la base la plus appropriée pour la taxinomie des actes illocutoires. La direction d’ajustement entre les mots et le monde (le rapport entre le monde et le contenu propositionnel de l’acte de langage). Elle est toujours la conséquence du but illocutoire. Certains actes rendent les mots conformes au monde, plus exactement rendent conforme leur contenu propositionnel au monde (affirmation, explication, description, assertion, etc), tandis que d’autres ont pout but de rendre le monde conforme aux mots (demande, promesse, ordre, etc). L’état psychologique exprimé : le locuteur exprime toujours en accomplissant un acte une certaine attitude : le désir, le regret par exemple. Son attitude n’est cependant pas toujours sincère. À partir de ces critères, Searle a proposé une taxinomie d’actes de langage. Les actes illocutoires y sont classées en 5 catégories : Les assertifs : ils ont pour but d’engager le locuteur sur l’existence d’un état de chose, sur la vérité de la proposition exprimée. La direction d’ajustement va des mots au monde. L’état psychologique exprimé est la conviction, la croyance à propos du contenu propositionnel. Exemples de verbes : “analyser”, “ évaluer”, “décrire”. Les directifs : le but illocutoire de ces actes est d’obtenir que l’interlocuteur fasse quelque chose. Le monde doit s’ajuster aux mots. Quant à l’état psychologique, il s’agit du désir, de la volonté. Les verbes correspondant aux actes de cette classe sont : “demander”, “ordonner”, “commander”, “ réclamer”, “ prier”, “ inviter”, “ conseiller”, etc. Les promissifs : il s’agit des actes dont le but illocutoire est d’engager ou d’obliger le locuteur à accomplir une action future ; où la direction d’ajustement va du monde aux mots et où l’état psychologique est la sincérité de l’intention. Ex : “promettre”, “s’engager”, “garantir”. Les expressifs : le but illocutoire de cette classe d’actes est d’exprimer l’état psychologique spécifié sous condition de la sincérité, vis-à-vis d’un état de chose spécifié dans le contenu propositionnel. “Remercier”, “féliciter”, “s’excuser”, etc, tels sont les verbes expressifs correspondant aux actes de cette classe. Il est à remarquer que les expressifs n’ont pas de direction d’ajustement : le contenu propositionnel est présupposé. Le locuteur ne cherche pas à rendre le monde conforme aux mots, ni rendre les mots conformes au monde. Ces actes se correspondent en gros aux comportatifs d’Austin. Les déclaratifs : ils ont pour but de mettre en correspondance directement le contenu propositionnel à la réalité. Ils n’ont pas de direction d’ajustement, sous réserve de légitimité institutionnelle ou sociale. Ex : “déclarer”, “nommer”, “définir”, “appeler”. 1.3. Formulation des actes de langage Un acte de langage n’a pas une seule formulation. En effet, un même acte de langage peut recevoir un grand nombre de réalisations différentes (par exemple, les énoncés suivants sont, dans certains contextes, pragmatiquement équivalents : ils ont tous la valeur de demande de fermer la porte : “Ferme la porte !”, “Tu peux/pourrais fermer la porte ?”, “Tu veux/voudrais fermer la porte ?”, “ La porte est ouverte”, “ Il y a un courant d’air”). Les formulations de l’acte de langage sont divisées en deux grandes catégories : formulations directes et formulations indirectes. 1.3.1. Formulation directe Quand le locuteur énonce une phrase en voulant dire directement, explicitement, exactement et littéralement ce qu’il dit, on parle de la formulation directe de l’acte de langage. Les actes de langage directs se réalisent en général grâce à des verbes performatifs ou des formes de phrase. Prenons des exemples : “ Je te conseille de ne pas abuser de somnifères” (1) “ N’abuse pas de somnifères !” (2) Dans le premier énoncé, l’énonciateur a recours à l’utilisation du verbe performatif “conseiller”. Quand on dit “je te conseille…”, on accomplit automatiquement l’acte de conseil. Les verbes performatifs indiquent explicitement l’acte accompli en même temps qu’il est énoncé. Un verbe ne peut pas être performatif “par nature”, il ne peut l’être qu’occasionnellement et dans certaines conditions d’emploi. Il doit être employé à la première personne au présent de l’indicatif. Si le locuteur s’engage dans un acte, l’engagement est pris vis-à-vis d’un destinataire précis, qui doit être explicitement désigné dans l’énoncé. (Tomassone 1998 : 45) Au deuxième énoncé, le conseil est formulé sous forme de phrase impérative. Cette formulation ne nomme pas l’acte accompli mais le marque de façon explicite. C’est pour cette raison que les actes directs sont appelés encore actes explicites. 1.3.2. Formulation indirecte L’acte de langage indirect est un acte illocutoire accompli indirectement par l’accomplissement d’un autre. En effet, quand on dit quelque chose, c’est qu’on fait une chose sous les apparences d’une autre. Il existe deux types de formulations indirectes : formulation indirecte conventionnelle et formulation indirecte non conventionnelle. L’acte de langage indirect conventionnel “fait partie d’un répertoire d’actes de discours socialement reconnus” . Pour la formulation indirecte non-conventionnelle, aucun indice ne dit que l’on fait tel ou tel acte. Ce sont les lois de discours et le contexte qui déterminent l’acte. “Tu pourrais fermer la porte ?” Apparemment, c’est un acte de question qui porte sur la capacité de l’interlocuteur. Pourtant, cette question ne demande pas une réponse de type Oui/ Non mais la réaction de l’interlocuteur : il voudrait que l’interlocuteur ferme la porte. Il a été admis que hors de certains contextes particuliers, cette structure interrogative fonctionne conventionnellement comme une requête. Autrement dit, la requête s’exprime conventionnellement par le biais d’une question. Searle (1982 : chap.2) appelle “secondaire” l’acte de question et “primaire”, l’acte de requête. Sous l’angle d’interprétation, la valeur de question est dite “littérale” et la valeur de requête, “dérivée”. Dans le cas “Il y a des courants d’air”, l’énoncé prend la forme d’une assertion. Cette assertion porte sur l’état de la porte. Dans certaines circonstances, cet énoncé peut avoir la même valeur de demander de fermer la porte. Elle est alors “non-conventionnelle”. Mais que faire pour comprendre que c’est une requête et pas une simple assertion ? Il faut nous baser sur le contexte situationnel. C’est lui qui permet d’interpréter la valeur primaire et la valeur dérivée de l’acte. En général, la formulation indirecte d’un acte de langage consiste à affirmer ou interroger sur l’une des conditions de réussite de l’acte en question. Revenant aux deux exemples cités ci-dessus, on trouve que le premier porte sur la condition de réussite concernant le destinaire, plus concrètement sur sa capacité de fermer la porte. Dans le deuxième, l’énoncé porte sur l’état de chose au moment de l’énonciation. D’après Searle (1972), la motivation principale - même l’unique - de ces formulations indirectes, c’est la politesse. Examinons des exemples ci-dessous : Ex 1 : Voudriez -vous me taper ce document ? Ex 2 : Pourriez-vous me taper ce document ? D’abord, le locuteur ne présume pas dans le premier exemple qu’il connaîsse le bon vouloir de l’interlocuteur. Pour le deuxième cas, ce n’est pas le vouloir mais la capacité de l’interlocuteur qui est présumée non connue. Ensuite, ces formules offrent à l’interlocuteur la possibilité de refuser, puisque pour les questions en Oui/ Non, le “non” est acceptable dans les réponses. Il a été montré également que les actes indirects, notamment les actes indirects non conventionnels sont beaucoup plus complexes que les actes directs. En effet, en fonction du contexte situationnel, on peut dégager d’une même forme linguistique des valeurs illocutoires différentes. En voici un exemple : “Il est 7heures”. Hors du contexte, cet énoncé peut apparaître comme une simple affirmation sur l’heure. Selon le contexte, il peut avoir la valeur de rassurer “Prends ton temps !” ou la valeur de dépêchement “Dépêche-toi !”. Même dans le contexte, l’identification des valeurs indirectes peuvent prêter à des malentendus involontaires ou volontaires. On parle de trois types de raisons : la surinterprétation (l’interlocuteur voit une valeur indirecte tandis que le locuteur ne parle que directement), la sous-interprétation (le locuteur prétend une valeur indirecte mais l’interlocuteur ne le perçoit pas, voire feint de ne pas le percevoir) et l’interprétation erronée (l’interlocuteur se trompe de valeur). Les termes de Kerbrat-Orecchioni ( - 25k.) Puisqu’il est très complexe, le décodage des actes de langage doit impliquer non seulement la nature du contenu propositionnel mais aussi la structure de l’énoncé, l’intervention des lois du discours et des données contextuelles pertinentes. À l’oral, il implique encore les éléments prosodiques ainsi que mimo-gestuels. 2. relation interpersonnelle dans l’interaction verbale Selon la définition de W. Labov et D. Fanshel (Kerbrat-Orecchioni. C 1996 : 41), une interaction est “une action qui affecte les relations de soi et d’autrui dans la communication en face à face”. Cela veut dire que la relation entre les interactants se construit par le biais de l’échange verbal. Kerbrat-Orecchioni distingue deux types de relations interpersonnelles : relation horizontale et relation verticale. 2.1. Relation horizontale Dans une interaction, le locuteur et le destinataire peuvent se montrer proches/intimes ou éloignés/distants. L’état de la relation horizontale dépend à la fois des données contextuelles fixées à l’ouverture de l’interaction (le degré de connaissance des interactants, la nature de leur lien socio-affectif, la situation de communication informelle, formelle ou cérémonielle, etc) ainsi que des signes verbaux, paraverbaux et non-verbaux. Les premiers sont les caractéristiques externes et les secondes, les caractéristiques internes de l’interaction. En principe, la relation horizontale est négociable, et souvent négociée, de manière explicite ou implicite. Généralement, la distance entre les interactants évolue au cours de l’interaction. Cette évolution est le plus souvent dans le sens de rapprochement progressif. Ce type de relation est de nature symétrique. La dissymétrie reflète tantôt une divergence dans la façon dont les interactants appréhendent leur relation horizontale, tantôt l’existence entre eux d’un rapport hiérarchique fort. Les marqueurs de la relation horizontale – les relationèmes horizontaux sont très nombreux. Ils peuvent être de nature verbale : les termes d’adresse, les thèmes abordés dans l’interaction et les niveaux de langue utilisés. Il existe également des relationèmes de nature paraverbale comme l’intensité articulatoire et le timbre de la voix, le débit, la rapidité des enchaînements et les chevauchements de parole. En ce qui concerne les marqueurs non-verbaux, il faut parler de la distance spaciale, des gestes, du posture des interactants… 2.2. Relation verticale Les participants à une interaction ne sont pas toujours égaux. En effet, l’un d’entre eux peut avoir une position “haute” de dominant et l’autre se trouve en position “basse” de dominé. Ainsi, contrairement à la relation horizontale, la relation verticale est principalement dissymétrique. Pourtant, le dominé cherche toujours des stratégies de résistance et de contre-pouvoir, qui peuvent bien entendu réussir ou échouer, afin de reprendre le statut d’égalité. L’inégalité des interactants dépend tout d’abord des facteurs “externes” – des données contextuelles comme l’âge, le sexe, le statut, la maîtrise de la langue, la compétence, le prestige, voire la force physique … du locuteur et de l’interlocuteur. Elle dépend également des caractéristiques “internes” de l’interaction qui proviennent de la production des marqueurs de la relation verticale – “des relationèmes verticaux” – “des taxèmes”. Les relationèmes verticaux sont abondants. On distingue les “taxèmes de position haute” et les “taxèmes de position basse”. Ainsi que les relationèmes horizontaux, les relationèmes verticaux peuvent être de nature non verbale (l’apparence physique et la tenue vestimentaire des interactants, l’organisation de l’espace communicatif, les postures, les regards, les gestes mimiques, …), de nature paraverbale (l’intensité vocale et le ton des interactants) ou de nature verbale. Les marqueurs verbaux sont très divers : les termes d’adresse, l’organisation des tours de parole, l’interruption et l’intrusion, l’organisation structurale de l’interaction, les actes de langage produits durant l’interaction, les thèmes abordés dans l’interaction, le vocabulaire et l’interprétation de l’interactant. 3. La politesse La politesse en question dans notre travail de recherche est la politesse linguistique. Il est à remarquer qu’elle est liée à la relation interpersonnelle des interactants. Elle a pour fonction de préserver le caractère harmonieux de cette relation. Selon Kerbrat-Orecchioni (1996 : 50) “Il est impossible de décrire efficacement ce qui se passe dans les échanges communicatifs sans tenir compte de certains principes de politesse”. Ces principes gèrent essentiellement les comportements du locuteur envers son interlocuteur mais aussi les comportements envers une troisième personne ou envers lui-même. La conception de la politesse a été étudiée et développée par plusieurs chercheurs parmi lesquels Goffman, Brown et Levinson ainsi que Kerbrat-Orecchioni. 3.1. Notions de “face” et de “territoire” de E. Goffman La face est définie, dans “ Les rites d’interaction” (Goffman 1974) comme “la valeur sociale positive qu’une personne revendique effectivement à travers la ligne d’actions que les autres supposent qu’elle a adopté au cours d’un contact particulier”. Pour cet auteur, la face joue un rôle très important pour chaque individu : elle l’attache. C’est pour cette raison que chacun doit chercher à se protéger la face mais en préservant la face de son interlocuteur au cours de l’interaction. Pour résoudre cette contradiction, il faut que chacun des interactants entreprenne, pour que ses actions ne fassent perdre la face à personne, y compris elle-même, ce qui est appelé “face work” que nous allons définir dans la partie qui suit. En ce qui concerne la notion du “territoire”, dans “La mise en scène de la vie quotidienne” (1973), Goffman a distingué huit catégories de “territoire”: l’espace personnel, la place, l’espace utile, le tour, l’enveloppe, le territoire de la possession, les réserves d’information, les domaines réservés de la conversation. 3.2. Modèle de politesse de Brown et Levinson Suite à Goffman, Brown et Levinson ont entrepris des recherches sur la politesse. L’étude de la politesse de Brown et Levinson se fonde sur la notion de “face” empruntée à E. Goffman. (Kerbrat-Orecchioni 1996 : 51). Dans leur théorie de politesse, ils ont étudié les notions de “face”, de FTA (Face Threatening Act), de “face want” (ménagement de face) et de “face work” (travail de face). 3.2.1. Notion de “face” Brown et Levison distinguent “la face négative” et “la face positive”. La notion de “la face négative” correspond à la notion du “territoire du moi” de Goffman. La face positive correspond à l’ensemble des images valorisantes que les interactants construisent et tentent d’imposer dans l’interaction. 3.2.2. Notion de FTA (Face Threatening Act). Selon Brown et Levinson, dans toute interaction, la plupart, voire la totalité des actes (verbaux et non verbaux) constituent des menaces potentielles pour l’une ou/et l’autre face des interactants. Ce sont les actes menaçants pour les faces. Brown et Levinson les appellent “Face Threatening Acts” (FTAs). Ils ont distingué 4 catégories d’actes menançants pour la face : - Actes menaçants pour la face négative de celui qui les accomplit. Ex : l’offre, la promesse. - Actes menaçants pour la face positive de celui qui les accomplit. Ex : les comportements autogradants comme l’excuse, l’autocritique, l’aveu… - Actes menaçants pour la face négative de celui qui les subit. Ces actes peuvent être de nature non verbale tels que les agressions visuelles, sonores ou olfactives, les contacts corporels indus, …. Ils peuvent également être de nature verbale : les questions indiscrètes, les actes dérangeants ou directifs comme le conseil, la requête, l’ordre, l’interdiction… - Actes menaçants pour la face positive de celui qui les subit. Ex : le reproche, la critique, la réfutation, la moquerie, l’insulte, l’injure … Ils ont remarqué qu’un acte est susceptible de relever simultanément de plusieurs catégories. En effet, il peut menacer en même temps plusieurs des quatre faces citées ci-dessus. Pourtant, chaque acte a une valeur dominante. Par exemple : l’ordre est menaçant à la fois pour la face négative et la face positive du destinataire mais sa valeur dominante est la menace à la face positive de celui qui le subit. Les deux premières catégories d’actes menaçants pour la face sont considérées comme les actes “automenaçants”. Il faut signaler que la politesse en question dans notre travail de recherche concerne plutôt les deux dernières catégories qui reflètent les comportements du locuteur envers son interlocuteur. 3.2.3. Notion de “face want” (ménagement de face) Puisque la plupart des actes sont potentiellement menaçants pour la ou les faces des interactants, ces derniers doivent chercher à se ménager les uns les autres, c’est-à-dire limiter, éviter le plus possible de faire perdre la face à autrui ainsi qu’à eux-mêmes. Le besoin, le désir de préservation des faces est appelé “face want” – ménagement de face. 3.2.4. Notion de “face work” (travail de face) Pour entretenir une bonne relation interpersonnlle, il faut que les interactants protègent la face d’autrui et d’eux-mêmes. Selon Brown et Levinson, on doit avoir recours aux différentes stratégies de politesse. Le choix de telle ou telle stratégie dépend de plusieurs facteurs, parmi lesquels, les trois les plus importants qui englobent les autres sont le degré de gravité du FTA, la “distance sociale” entre les interlocuteurs et leur “relation de pouvoir”. 3.3. Modèle de politesse de C. Kerbrat-Orecchioni Kerbrat-Orecchioni est considérée comme la référence française en matière de politesse linguistique. C’est elle qui a introduit la notion de FFA (Face Flattering Act) et a beaucoup travaillé sur la politesse négative Vs positive ains que les stratégies de politesse. 3.3.1. Notion de FFA (Face Flattering Act) Brown et Levinson ont envisagé les actes potentiellement menaçants pour les faces des interlocuteurs et ils ont identifié la politesse le fait d’adoucir, limiter ou éviter ces FTAs. Quant à Kerbrat-Orecchioni, elle remarque qu’à côté des FTAs, il existe des actes de langage susceptibles de valoriser les faces, par exemple l’invitation, le compliment, le remerciement, la félicitation, le voeu… Ces actes sont appelés FFAs (Face Flattering Acts). Les actes de langage se regroupent ainsi en deux grandes catégories : ceux qui ont des effets positifs sur les faces des interactants tels que le compliment, le remerciement et ceux qui ont des effets négatifs sur leurs faces (l’ordre, la requête, le reproche…). 3.3.2. Politesse négative Vs positive C’est à partir de la notion de FFAs que Kerbrat-Orecchioni donne les notions de “politesse négative” et “politesse positive”. La politesse négative est de nature absentionniste ou compensatoire : elle vise à éviter de commettre un FTA ou à en adoucir l’effet. La politesse positive est de nature productionniste : elle consiste à produire de temps en temps des FFAs et de les renforcer ou les hyperboliser. Selon elle, la politesse positive joue un rôle aussi important que la politesse négative. Se montrer poli est non seulement minimiser les FTAs mais encore produire et hyperboliser les FFAs. Dans cette perspective, Kerbrat-Orecchioni a défini la politesse comme suit : “La politesse est un système de règles de comportement visant à ménager (politesse négative) ou à valoriser (politesse possitive) les faces d’autrui sans attenter aux siennes propres”. (1989b : 11) 3.3.3. Stratégies de politesse À partir des notions de base de face négative et face positive, de FTA et FFA, de politesse négative et politesse positive, Kerbrat-Orecchioni a étudié les procédés de la politesse négative et ceux de la politesse positive. 3.3.3.1. Procédés de la politesse négative La meilleure façon d’être poli, c’est d’éviter de commettre les actes risquant de menacer les faces de l’interlocuteur. On l’appelle stratégie d’évitement. Elle n’est cependant pas toujours appliquable dans l’interaction. En fait, il arrive que l’on ne puisse pas éviter les actes menaçants dans de nombreuses situations. On doit ainsi recourir aux procédés d’adoucisseur – terme emprunté à Brown et Levinson. Les adoucisseurs peuvent être de nature non verbale ou paraverbale (par exemple, la voix douce, le sourire, l’inclinaison latérale de la tête pour l’acte de requête, de réfutation) et verbale. Les derniers sont en grand nombre et se réalisent à travers les procédés substitutifs et accompagnateurs. - Procédés substitutifs : Les procédés substitutifs visent à remplacer une formulation directe par une autre plus douce. Le procédé le plus important, c’est la formulation indirecte de l’acte de langage. Examinons cet exemple : Comme la critique est un acte menaçant, au lieu de la formuler de manière directe comme “Ce n’est pas bien de faire ça”, on pourrait dire “ Je ne comprends pas pourquoi tu as fait ça ?” ou bien “Je me demande pourquoi tu as fait ça ?”. Le locuteur adoucit ainsi la menace pour la face de son interlocuteur. À côté de la formulation indirecte, il existe des désactualisateurs modaux, temporaux ou personnels. “Vous ne devriez pas abuser de médicaments !” ( le conditionnel présent) “Tu aurais pu me dire la vérité.” (le conditionnel passé) “Il est interdit de fumer ici!” (la construction impersonnelle) “ On ne fume pas ici” (le pronom indéfini “on”) “Ce problème n’a pas été correctement résoulu” (le passif) On peut également adoucir des FTA en utilisant des pronoms personnels. Le “vous” de politesse contribue à atténuer la brutalité de l’adresse. Le pronom “nous” marque l’idée de la solidarité. Le pronom “on” peut remplacer “tu” si l’énoncé a un contenu négatif (“Tu t’es trompé” à “On s’est trompé”) ou “je” si l’énoncé a un contenu positif (“J’ai gagné” à “On a gagné”). Un autre procédé de substitution est le procédé rhétorique. Il s’agit ici de la litote et de l’euphémisme qui s’appliquent souvent à l’acte de critique et de reproche. “Ce n’est pas très bien/ sympa/ intelligent/ utile/ …, ce que tu viens de faire” - Procédés accompagnateurs : Les procédés accompagnateurs sont les formules spécialisées qui accompagnent la formulation d’un FTA afin de l’adoucir. Le premier procédé accompagnateur est l’utilisation d’une formule spécialisée comme “s’il te/vous plaît” ou “je t’/vous prie”. Le deuxième est l’emploi de “l’énoncé préliminaire”. Par exemple, pour amortir une demande d’informations supplémentaires, on dit “Je pourrais vous demander quelques renseignements supplémentaires ?”, “Je voudrais vous poser une question ?”… Pour le troisième procédé, on parle des “réparations” : l’excuse et la justification. Le quatrième procédé est le minimisateur qui vise à minimiser la menace potentielle d’un acte par la façon dont on présente l’acte. “Je voudrais simplement/seulement/ …”, “C’est juste pour …”, “ Je peux te donenr un petit conseil ?”. Les modalisateurs constituent le cinquième procédé. Ils consistent à établir une certaine distance entre le sujet d’énonciation et le contenu de l’énoncé, ce qui rend l’opinion du locuteur moins catégorique et le rend alors plus poli : “Selon/ D’après/ Pour moi, …”, “ Je pense/ trouve/ crois que …”, etc. Le sixième procédé est l’utilisation des désarmeurs. Ils visent à anticiper une réaction négative potentielle du destinaire et à la désamorcer. Ex : “ Je ne voudrais pas vous déranger mais …”. Le dernier procédé accompagnateur est l’emploi des amadoueurs : Chéri(e), Petit(e) chéri(e), Mon chou, … En bref, les procédés accompagnateurs de la politesse négative sont nombreux et on peut en utiliser plusieurs en même temps. Ex : “Excuse-moi, chéri, je ne voudrais pas te vexer mais il me semble que tu as eu tort” (amadoueur + excuse + désarmeur + modalisateur). 3.3.3.2. Procédés de la politesse positive La politesse positive vise essentiellement à produire des actes anti-menaçants et à renforcer des actes valorisants pour les faces des interlocuteurs. Les procédés de la politesse positive sont beaucoup plus simples que ceux de la politesse négative. On parle souvent du remerciement, du compliment, des formules de bienvenue, … On a tendance à recourir aux formulations intensives, par exemple : “Je te remercie beaucoup/ mille fois/ infiniment”, “C’est très/ vraiment/ … intéressant !”. Nous avons jusqu’ici repris les notions de l’acte de langage, de la relation interpersonnelle et de la politesse qui ont été étudiées et développées par différents chercheurs comme Jonhn L. Austin, John R. Searle, E. Goffman, Brown et Levinson et C. Kerbat-Orecchioni. Ces notions sont utiles pour notre étude des caractéritiques et des stratégies de reproche dans les deux parties qui suivent. II. définition du reproche Nous commençons par les définitions du reproche dans différents dictionnaires. Nous essaierons ensuite de le définir sous l’angle pragmatique. 1. Définition dans les dictionnaires D’après le “Dictionnaire pratique du français Hachette” (1989), “reproche” signifie “blâme, remontrance adressée à quelqu’un sur sa conduite”. Ex : Il m’a fait des reproches amers”. Le verbe correspondant “reprocher” (v.t.) se définit comme suit : “Reprocher à quelqu’un une attitude, une parole, une action : lui en faire grief, l’en blâmer”. Le “Dictionnaire pratique du français Hachette” a ainsi déterminé la nature du reproche : un jugement défavorable du locuteur envers son interlocuteur. Cette définition a également précisé l’objet du reproche. Celui-ci porte sur la conduite d’une personne : tantôt une parole, tantôt une attitude, tantôt une action. Dans le “Petit Robert” (1998), le “reproche” est défini comme “un blâme formulé à l’encontre de quelqu’un, un jugement défavorable sur un point particulier, pour inspirer la honte ou le regret, pour amender, corriger”. “Reproche” a pour synonymes “admonestation, objurgation, remontrance, réprimande, semonce”.  Par extention, le reproche signifie : critique, objection, sans blâme moral ou bien attitude, expression qui laisse entendre qu'on porte un jugement défavorable sur quelque chose, que l'on blâme la personne à qui on s'adresse ainsi. Le contraire de “reproche”, c’est le “compliment”. Le verbe transitif direct “reprocher” signifie “représenter à quelqu’un en le blâmant une chose condamnable ou fâcheuse dont on le tient pour responsible.” L’analyse de cette définition nous a menée à remarquer que dans le “Petit Robert” et le “Dictionnaire pratique du français” de Hachette, la nature du reproche est précisée de la même manière : il s’agit d’un jugement défavorable à l’encontre de l’interlocuteur. L’objet du reproche selon le “Petit Robert”, c’est “un point particulier”, “une chose” dont l’interlocuteur est responsable. La nature de l’objet du reproche est ainsi moins précise que celle dans la définition dans le “Dictionnaire pratique du français” de Hachette. Cependant, Le Petit Robert précise bien la caractéristique de cet objet : “condamnable”, “fâcheuse”. Cette précision nous permet de déterminer l’attitude du locuteur : le mécontentement, le déplaisir, le manque de satisfaction, l’irritation. À travers cette définition, nous avons constaté également le but illocutoire de l’acte de reproche : inspirer la honte ou le regret chez l’interlocuteur, l’amender, le corriger. Selon le “Dictionnaire français-vietnamien” de l’Institut des Sciences sociales du Vietnam (1994), le “reproche” (n.m) correspond à “lêi chª tr¸ch”, “lêi tr¸ch mãc”, “lêi tr¸ch m¾ng”, “lêi tr¸ch” en vietnamnien. Ces termes sont définis par le “Dictionnaire du vietnamien” de l’Institut des Sciences sociales du Vietnam (1994) comme suit : - Tr¸ch : tá th¸i ®é kh«ng b»ng lßng vÒ mét ng­êi cã quan hÖ gÇn gòi nµo ®ã, cho lµ ®· cã hµnh vi, th¸i ®é kh«ng ®óng, kh«ng hay, kh«ng tèt ®èi víi m×nh hoÆc cã liªn quan ®Õn m×nh. - Tr¸ch mãc : tá th¸i ®é cho ng­êi cã quan hÖ gÇn gòi nµo ®ã biÕt lµ m×nh kh«ng b»ng lßng vÒ nh÷ng ®iÒu kh«ng ®óng, kh«ng hay, kh«ng tèt ®· x¶y ra víi m×nh hoÆc cã liªn quan ®Õn m×nh. - Tr¸ch m¾ng : tr¸ch ng­êi d­íi b»ng nh÷ng lêi nãi nÆng. - Chª tr¸ch: chª vµ tá ý tr¸ch v× kh«ng ®­îc hµi lßng (nãi kh¸ qu¸t). À notre observation, les deux actes “tr¸ch” et “tr¸ch mãc” se définissent de façon identique : montrer son mécontentement envers un proche d’une mauvaise chose qu’il a faite envers le locuteur ou envers une troisième personne qui entretient une relation avec le locuteur. “Tr¸ch” et “tr¸ch mãc” peuvent ainsi être considérés comme synonymes. À propos de l’acte de “tr¸ch m¾ng”, il se différencie des actes “tr¸ch” et “tr¸ch mãc” par la manière de se réaliser (avec de dûres paroles) et surtout par les rapports interpersonnels entre l’énonciateur et le destinataire du reproche. “Tr¸ch m¾ng” ne se réalise que si le locuteur se trouve en position haute par rapport à l’interlocuteur tandis que pour “tr¸ch” et “tr¸ch mãc”, les interactants sont reliés par un lien proche : on ne parle pas de la position haute ou basse. On peut comprendre que le reprocheur est soit en position haute, soit en position basse par rapport au reproché. Donc en utilisant “tr¸ch” et “tr¸ch mãc”, on insiste sur la relation interpersonnelle de type horizontal (la distance entre les interactants) tandis que pour “tr¸ch m¾ng”, on s’intéresse à la relation verticale. Pour “chª tr¸ch”, c’est la combinaison de “chª” (ne pas apprécier quelque chose, en être mécontent, le trouver mauvais) et “tr¸ch”. (reprocher). “Chª tr¸ch” comporte donc un sens général. En comparaison avec les dictionnaires de français, les dictionnainaires de vietnamien clairent l’objet du reproche : un comportement incorrect de l’interlocuteur envers le locuteur ou envers une troisième personne entretenant une relation proche avec le locuteur. Cependant, ils ne déterminent pas le but illocutoire du reproche. 2. Le “reproche” sous l’angle pragmatique Selon la classification des actes de langage proposée par Austin, l’acte de reproche, ainsi que l’acte de remerciement, d’excuse, de menace…, appartiennent à la catégorie des comportatifs “qui expriment la réaction à une certaine conduite, un certain acte de l’interlocuteur” (Philippe Blanchet 1995 : 34). Cette classification implique que le reproche n’est pas l’acte initiatif mais réactif à un certain acte de l’interlocuteur. Autrement dit, l’acte de reproche se présente comme un type d’enchaînement sur tel ou tel comportement, tel ou tel acte de l’interlocuteur. Selon la taxinomie des actes illocutoires élaborée par Searle, l’acte de reproche est classée dans la catégorie “des expressifs”. Il manifeste l’état psychologique du locuteur : le mécontentement, l’insatisfaction. À la différence d’autres catégories d’actes de langage qui rendent conforme le contenu propositionnel au monde ou inversement, l’acte de reproche n’a pas de direction d’ajustement : son contenu propositionnel est présupposé. Après avoir examiné les définitions du reproche dans certains dictionnaires et à travers la classification d’Austin et de Searle, nous avons essayé de généraliser les traits caractéristiques de l’acte de reproche somme suit : Catégorie d’acte : acte comportatif L’acte de reproche porte sur le passé : le reproche est la réaction à telle ou telle conduite d’une personne. État psychologique (attitude) exprimé par le reprocheur : mécontentement, déplaisir, manque de satisfaction, irritation. But illocutoire de l’acte de reproche : inspirer la honte ou le regret, amender ou corriger une personne. Objet du reproche : une conduite condamnable, fâcheuse. Nature de l’objet du reproche : une parole, une attitude ou une action. Le reproche amalgamme du point de vue sémantique et pragmatique deux composantes : une assertion évaluative négative - un jugement défavorable d’une part et une demande d’excuse et de correction d’autre part. Deuxième chapitre : Constitution et analyse du corpus Ce présent chapitre est réservé en premier lieu à la justification et à la présentation de la méthode de collecte des données. En deuxième lieu, nous analyserons les caractéristiques de l’acte de reproche, en nous basant sur les données recueillies. I. constitution du corpus Premièrement, nous justifierons notre choix de la méthode de collecte des données : corpus littéraire contemporain. Deuxièmement, nous passons à présenter deux corpus : l’un en français et l’autre en vietnamien. Troisièmement, nous aborderons les méthodes d’analyse des données. 1. le Choix de la Méthode de collecte des données 1.1. Problème du choix de la méthode de collecte des données Les méthodes de collecte des données dans l’étude des interactions verbales en général et de l’acte de reproche en particulier sont diverses : enregistrement des interactions verbales authentiques, enregistrement des dialogues dans les films télévisés ou enquête. Chacune présente ses avantages et inconvénients. Comme l’authenticité des interactions verbales joue un rôle décisif dans la recherche de l’acte de langage, nous avons pensé tout au début à la méthode d’enregistrement des interactions verbales. Dans les conversations réelles, les actes de langages sont très naturels. Cependant, elle comporte certains inconvénients. Tout d’abord, pour assurer l’authenticité des conversations, nous sommes dans l’obligation de les enregistrer en cachette, ce qui n’est pas conforme à la déontologie des chercheurs. De plus, la mise en place du micro caché n’est pas toujours facile. En effet, nous ne pourrions pas prévoir quand les interlocuteurs s’échangent des reproches. L’enregistrement des conversations complètes n’est cependant pas faisable. Quant à l’enregistrement avec le micro au vu et au su des interactants, l’authenticité de l’interaction n’est pas toujours assurée. Comme on le sait, les reproches ne sont formulés que quand les interactants sont en conflit, l’échange des reproches se trouvent ainsi surtout dans les dialogues à problèmes. Mais si les interlocuteurs savent être enregistrés, il est normal qu’ils cherchent à se montrer polis le plus possible : ils recourent certainement à des termes, des énoncés valorisants et évitent les expressions menaçantes pour les faces de l’interlocuteur et de lui-même. Un autre grand inconvénient de la méthode d’enregistrement, c’est que nous devons consacrer beaucoup de temps à la transcription des dialogues. En un mot, les inconvénients de l’enregistrement sont nombreux, ce qui nous a conduit à l’écarter comme méthode de collecte de données pour notre recherche. Nous avons également pensé à un corpus de dialogues dans les films télévisés. Nous aurions pu ainsi collecter non seulement des données verbales mais aussi l’aspect paraverbal et non verbal de l’oral, ce qui joue un rôle considérable dans l’interprétation des reproches. Cependant, au bout d’un certain temps, nous avons constaté qu’il ne convient pas non plus à notre recherche. Le premier obstacle, c’est l’horaire de diffusion des films à la télévision. Nous ne sommes pas toujours disponible à ces heures-là pour allumer un magnétoscope. De plus, comme pour l’enregistrement des dialogues authentiques, cette méthode demande beaucoup de temps de transcription et la transcription des dialogues dans les films français n’est pas toujours facile. Quant à l’enquête, elle n’est pas conforme à notre cadre de recherche. En premier lieu, elle nous pose des problèmes temporels et financiers. Deuxièmement, les données collectées appartiendraient à un langage plutôt écrit qu’oral. En dernier lieu, l’acte de langage ne serait pas très naturel, l’authenticité des données ne serait donc pas assurée. Commes les méthodes citées ci-dessus ne sont pas bien adaptées à notre condition de recherche et que nous avons entendu parler des avantages considérables du corpus de textes littéraires dans l’étude des interactions verbales, nous avons décidé de construire un littéraire contemporain. Notre corpus se compose de deux parties : l’une en français et l’autre en vietnamien. 1.2. Justification du corpus littéraire contemporain Un corpus littéraire présente des avantages considérables. Il est tout d’abord “immédiatement disponible et quasiment inépuisable” (C. Kerbrat-Orrecchioni 1990 : 72-73) Emprunté de Nguyen Van Dung 2000 : 44 . En fait, étant au Vietnam, il nous est sans aucun doûte facile de trouver des textes littéraires vietnamiens dans les bibliothèques et les librairies. Pour les œuvres littéraires françaises, il ne nous est pas trop difficile non plus de les recueillir. De plus, avec un corpus de textes littéraires, la question de la transcription ne se pose pas, ce qui nous permet d’économiser beaucoup de temps et de nous concentrer sur l’analyse des caractéristiques de l’acte de reproche et sur la comparaison de la formulation de l’acte de reproche en français et en vietnamien. Le corpus littéraire est également apprécié de R. Barthes et F.Berthet (1979 : 4). Selon eux, une des fonctions du texte littéraire est de “reproduire exemplairement des modes, des inflexions de discours”. C’est une des raisons pour lesquelles “chaque fois que les sciences sociales ont à traiter d’un objet de langage (ou, pour être plus précis, d’un “discours”), elles auraient bien tort de ne pas recourir au corpus littéraire sans doute…” (R. Barthes et F. Berthet 1979 : 4) Emprunté de Nguyen Van Dung 2000 : 44 . 2. Présentation du corpus Comme nous avons choisi “Acte de reproche en français et en vietnamien” comme sujet de recherche, notre corpus doit comporter deux parties : l’une en français et l’autre en vietnamien. La première se repose sur des romans et des nouvelles et la seconde, sur des nouvelles. Les textes littéraires recueillis sont tous contemporains. 2.1. Corpus en français Notre corpus se compose principalement des romans français contemporains. Premièrement, selon Yves Mabin, sous-directeur de la Politique du livre et des médiathèques française, “jamais le roman français n’a été aussi vivant” (Michel Braudeau., Lakis Proguidis., Jean-Pierre Salgas., Mominique Viart. Le roman français contemporain. 2002 : avant-propos) site internet : www.adpf.asso.fr/adpf - publi/ folio/roman01.html . Deuxièmement, c’est “le genre dominant, quantitativement et médiatiquement de la littérature française” (Arnaud Genon, "Pour une géographie française du roman contemporain", Acta Fabula, Printemps 2004) site internet : www.fabula.org/revue/document126.php . La troisième raison de notre choix est l’abondance et la disponibilité de ce genre littéraire français au Vietnam. Notre corpus comporte également des nouvelles. Le nombre de nouvelles collectées est cependant plus limité que celui des romans. La raison principale est que les nouvelles françaises ne sont pas souvent disponibles chez nous. De plus, la plupart des nouvelles que nous avons trouvées ne nous ont pas satisfait : elles ne contiennent pas suffisamment d’énoncés de reproche et de réaction au reproche. Notre corpus est construit de 12 romans et d'un recueil de nouvelles contemporains édités entre 1986 et 2005. Parmi les œuvres collectées, certaines ont obtenu des Prix littéraires en France: “Bille en tête” d’Alexandre Jardin. Gallimard 1986 : Prix du premier Roman 1986 ; “Le vrai goût de la vie” de Michel Jeury. Éditiond du Club France Loisirs, Paris 1989 : Prix Terre de France - La Vie 1988, destiné à une oeuvre mettant en scène une région française et ses habitants ; “Le destin de Iouri Voronine” de Henriette Jelinek. Éditions de Fallois-Paris 2005 : Grand Prix du Roman de l’Académie française. Dans les romans et nouvelles que nous avons choisis, les interactions verbales sont dominantes, ce qui est propice à l’étude de l’acte de langage. Comme nous l’avons dit, l’acte de reproche apparaît dans les dialogues de problème, autrement dit, quand un conflit a lieu entre les interlocuteurs. Cette observation nous a menée à choisir des histoires dans lesquelles les personnages ont beaucoup de problèmes entre eux. Pour assurer la représentativité relative de la formulation du reproche en français, nous avons collecté les œuvres de différents écrivains. Les œuvres choisies abordent les divers aspects de la vie : la vie familiale, l’amour, l’amitié, les relations professionnelles, la guerre, etc. Certains romans abordent différents thèmes : “Toi, mon Pacha”, “Le destin de Iouri Voronine” et “Fragment de la vie des gens”, “France-Allemagne” (la vie familiale de tous les jours), “Une jeune fille bien comme il faut” (la vie familiale, l’amour et l’amitié), “Les vendanges tardives”et “Génération spontanée” (l’amitié et l’amour), “Le vrai goût de la vie” (la vie familiale et la guerre), “Le plus beau métier du monde” (le travail), etc. En ce qui concerne les personnages, plus ils sont divers, plus les formules de reproche et de réaction au reproche sont riches. C’est la raison pour laquelle nous avons essayé de collecter des œuvres dans lesquelles les personnages sont de tranches d’âge, de milieux sociaux et de niveaux d’instruction différents, … En fait, ils sont âgés, adultes, jeunes, adolescents et même enfants. Les uns vivent en ville, les autres en milieu rural. Ils peuvent être journaliste, médecin, enseignant, écrivain, chanteur, étudiant, élève, serveur, retraités, etc. Quant à leurs relations, elles concernent des amis, des amoureux, des collègues, des époux, des parents et enfants, des frères et soeurs, des connaissances, … Cela offre une abondance des formules de reproches et de réaction au reproche. 2.2. Corpus en vietnamien Pour le corpus en vietnamien, nous avons décidé de collecter des nouvelles contemporaines. Ce choix se repose sur les points forts de ce genre littéraire. Premièrement, depuis la fin du XIXè siècle, la nouvelle se répand et occupe une place de plus en plus dominante dans la littérature vietnamienne contemporaine. Cela est affirmé par différents écrivains, chercheurs et critiques littéraires vietnamiens. L’écrivain Nguyen Ngoc a écrit “elle se classe au premier rang des productions littéraires” (1991 : 12) et “est le genre le plus représentatif de notre littérature” (1997, avant-propos)1 Emprunté de Nguyen Van Dung 2000 : 46 . Aux yeux de la critique Bich Thu (1996 : 32), les nouvelles contemporaines “abordent de façon très rapide les problèmes urgents de la vie d’aujourd’hui” . Deuxièmement, les nouvelles contemporaines sont écrites dans un langage “contemporain”, “varié”, “complexe” et “entièrement personnalisé” (Bich Thu op.cit., p. 36). Cela nous permet de recueillir les variations dans la formulation du reproche en vietnammien. Troisièmement, la nouvelle contemporaine se caractérise par “le rapprochement au langage quotidien, de tous les jours” et “l’acceptation du langage parlé” (Dao Than 1994 : 16), ce qui joue un rôle important dans l’analyse des interactions verbales en général et de l’acte de reproche en particulier. Notre corpus se compose de 49 extraits tirés de 36 nouvelles contemporaines. Certains sont extraits d’une même nouvelle. Les nouvelles choisies sont toutes publiées entre 2001 et 2006. La plupart est tirée de 3 magazines des Lettres et des Arts les plus appréciés au Vietnam : TuÇn b¸o V¨n nghÖ - Héi nhµ v¨n ViÖt Nam – Nhµ xuÊt b¶n Héi nhµ v¨n (l’Hebdomadaire des Lettres et des Arts de l’Association des écrivains du Vietnam, édité par la Maison d’édition de l’Association des écrivains), TuÇn b¸o V¨n nghÖ trÎ - phô tr­¬ng cña b¸o V¨n nghÖ - Héi nhµ v¨n ViÖt Nam (l’Hebdomadaire des Lettres et des Arts de la jeunesse - supplément de l’Hebdomadaire des Lettres et des Arts de l’Association des écrivains du Vietnam, édité par la même maison d’éditions) et T¹p chÝ v¨n nghÖ qu©n ®éi – Nhµ xuÊt b¶n qu©n ®éi (le Bi-mensuel des Lettres et des Arts des Forces militaires vietnamiennes – Maison d’éditions militaires). Certaines sont tirées des recueils “TruyÖn ng¾n hay n¨m 2001” et “TruyÖn ng¾n hay n¨m 2002” – Héi nhµ v¨n ViÖt Nam (Meilleures nouvelles de 2001 et 2002 de l’édition de l’Association des écrivains). Nous avons également collecté une nouvelle apparue dans le bi-mensuel des Femmes de la capitale de l’Association des Femmes du Vietnam et une autre du recueil “TruyÖn ng¾n 100 ch÷” (Nouvelles de 100 mots) de l’édition de Femmes. Comme nous menons une recherche sur l’acte de langage, les nouvelles que nous avons collectées sont riches d’interactions verbales. Les nouvelles collectées traitent de différents thèmes : l’amour (S­¬ng khãi ngµy xanh ; ChuyÖn t×nh cña ®¹i ®éi tr­ëng - l’histoire d’amour du chef d’escadron … ), la famille (Ng­êi ®µn bµ vµ c¸i tæ sÎ ri - Une femme et un nid de moineaux ; Vßng ®êi - Le cycle de la vie ; D× t«i - Ma tante …), la vie de tous les jours (Häc phÝ lµm ng­êi - Les frais pour se comporter en homme ; Ng­êi lµm chøng - Le témoin…), la guerre (C¸i trô c¸p - Une pile de câble), les séquelles de la guerre (M­êi ba bÕn n­íc - Treize quais fluviaux ; Mét ®ªm ë cæng trêi - Une nuit au sommet de montagne …). En ce qui concerne les personnages dans nos extraits de nouvelles, ils sont d’origine diverse : certains sont citadins, d’autres villageois. La tranche d’âge, le niveau d’instruction et le milieu social des personnages varient également. Quant à leurs relations, elles sont très variées. Les personnages peuvent être conjoints, parents et enfants, proches, copains, collègues, connaissances ou inconnus … Notre choix n’est donc pas arbitraire. D’après nous, plus les personnages sont différents, plus les réalisations du reproche et de la réaction au reproche sont abondantes. Afin de pouvoir comparer la formulation du reproche et de la réaction au reproche en français et en vietnamien, nous traduirons littérairement et/ou littéralement les exemples du corpus vietnamien en français. La traduction littéralement n’est réalisée que dans les cas où nous voudrions insister sur l’ordre des mots, sur la structure des phrases en vietnamien. 3. Méthodes d’analyse des données Afin de mener notre étude, nous avons recours à 3 méthodes d’analyses des données : méthode descriptive ainsi qu’analytique et comparative. À partir des deux corpus construits, nous décrirons d’abord et analyserons ensuite les caractériques de l’acte de reproche ainsi que la formulation des reproches en français et en vietnamien. Nous suivrons donc la méthode descritive et analytique. La description et l’analyse des formules de reproche et de réaction au reproche dans les deux corpus nous mèreront ensuite à la comparaison afin de repérer les similitudes ainsi que les différences dans la réalisation du reproche en 2 langues. Pour cela, il est nécessaire de recourir à la démarche comparative. II. Analyse du corpus Cette partie est réservée à l’analyse des caractéristiques du reproche : l’objet du reproche, les types de reproches, la relation entre le reprocheur et le reproché, les effets du reproche sur les faces des interactants et les types de réactions au reproche. 1. Objet de reproche. Pour déterminer l’objet de reproche, nous devons faire référence au contexte. Un reproche n’est jamais formulé sans raison. Comme nous l’avons dit, le reproche n’est pas l’acte initiatif mais réactif à un certain acte défavorable du partenaire. Cet acte défavorable est appelé erreur dans notre recherche. La nature de l’objet de reproche dépend de la nature de l’erreur commise par l’allocutaire. Dans notre corpus, c’est peut-être une parole, une attitude ou une action. Ces types d’erreurs nous permettent de classer l’objet de reproche en trois catégories : paroles, attitudes et actions. 1.1. Une parole Les Vietnamiens disent “Lêi nãi ch¼ng mÊt tiÒn mua. Lùa lêi mµ nãi cho võa lßng nhau” (Les bonnes paroles ne coûtent rien. Il faut donc choisir ses mots pour faire plaisir l’un l’autre). En français, on dit “Il faut tourner sa langue sept fois avant de parler”. On trouve donc que les Français et les Vietnamiens sont tous conscients qu’offenser l’interlocuteur de leurs paroles n’est pas un fait apprécié. Il arrive cependant qu’une parole n’est pas adéquate, appropriée à la situation de communication, à la norme sociale, à la morale ou à tel ou tel règlement. En ce cas, elle peut devenir l’objet d’un reproche. En fonction du contexte, le reproche porte tantôt sur le contenu de l’énoncé, tantôt sur la manière de parler de l’allocutaire. Ex 1 : Interactants : Bichette, patronne du bar Bichett’s parle à Tony Amar, client. Hé, parle pas de mon père de cette façon-là, c’est ma providence. (interaction 12 – corpus en français) Ex 2 : Interactants : 2 villageois, un homme d’un cartain âge et une femme. - T×nh lµng n­íc mµ sao c« nãi ¸c thÕ ? à - Ah, vous êtes une vraie vipère ! Pourtant nous sommes voisins ! (interaction 15 – corpus en vietnamien) Dans le premier exemple sousmentionné, l’homme – un client se voit reprocher de sa façon de parler du père de l’interlocuteur, la patronne du bar. Dans le deuxième, le reproche est adressé à une femme pour le contenu méchant de ses paroles envers son intelocuteur – un voisin. 1.2. Une attitude, un comportement Non seulement une parole mais aussi une attitude, un comportement peuvent devenir l’objet d’un reproche. Examinons l’exemple ci-dessous : Ex : Interactants : un couple. - T«i hái c«, t«i ®· lµm g× kh«ng ph¶i mµ c« vµ lò trÎ coi t«i nh­ ng­êi d­ng vËy ? à Dites, qu’est-ce que j’ai fait pour que les enfants et toi, vous me considériez comme un étranger ? (interaction 19 – corpus en vietnamien) La femme se voit reprocher par son mari de l’avoir considéré comme un étranger : ce qui ne se conforme pas à la norme courante dans la vie familiale. Cette attitude négative de la femme et des enfants a offensé l’homme. C’est la raison pour laquelle il a formulé le reproche. L’attitude et le comportement reprochés sont ceux qui ne sont pas appropiés à la morale, à la norme en vigeur. 1.3. Une action Les actions reprochées peuvent être divisées en deux catégories : les actions non réalisées et les actions mal réalisées. 1.3.1. Action non réalisée Toutes les actions non réalisées ne deviennent pas l’objet de reproche. Notre corpus nous conduit à distinguer 3 sous-catégories d’actions non réalisées susceptibles d’être reprochées : actions promises mais non réalisées ; devoirs, conventions ou manières courantes non réalisées ; actions se conformant à la morale, à la norme sociale ou au savoir-vivre mais non réalisées. 1.3.1.1. Une ation promise mais non réalisée “Chose promise, chose due”, c’est le savoir-vivre. Le fait de manquer à sa promesse n’est donc pas apprécié. Quand quelqu’un ne fait pas ce qu’il a promis, il est reproché. Ex : Interactants : 2 jeunes amoureux. - Anh Hµi b¶o sang mµ biÖt t¨m tÝch… à - Hai, tu m’as dit que tu passerais chez moi mais tu n’es pas venu … (interaction 38 – corpus en vietnamien) 1.3.1.2. Un devoir, une convention ou une habitude non réalisée Ex : Interactants : un couple. (Contexte : Le mari travaille dehors. La femme s’occupe du ménage. Ce jour-là, elle n’a pas fait les courses, ni la cuisine. Il ne restait plus rien à manger dans le frigo.) Il lui disait qu’il avait faim, elle lui répondait qu’elle n’avait rien préparé pour le dîner.[…] - Pourquoi tu n’as pas fait de courses ? (interaction 11 – corpus en français) Dans cet exemple, le mari reproche à sa femme de ne pas avoir fait des achats. Pourquoi ? Selon la manière courante ou la convention explicite ou implicite dans les familles dont le conjoint travaille dehors et la conjointe reste à la maison pour s’occuper du ménage, c’est celle-ci qui a pour tâche de faire les courses. Le fait qu’elle ne l’accomplit pas sans raison n’est pas conforme aux habitudes. Quand la convention entre le couple n’est pas respectée, le mari peut se permettre de lancer le reproche à sa femme. 1.3.1.3. Une action se conformant à la morale, à la norme sociale ou au savoir-vivre mais non réalisée Ex : interactants : 2 vieux collègues. […] Håi ®Êy nÕu tao kh«ng lµm chñ tÞch c«ng ®oµn kiªm x­ëng tr­ëng c¬ khÝ trùc tiÕp phô tr¸ch mµy, th× mµy ®i lao ®éng Liªn X« ba n¨m thÕ nµo ®­îc ? Råi mµy ë tÞt bªn ®ã b¶y n¨m. Êy thÕ mµ, khi vÒ n­íc, mµy kh«ng thÌm hái th¨m tao lÊy nöa lêi. à […] À cette époque-là, si je n’avais pas été au poste de chef du syndicat et de l’atelier mécanique, tu n’aurais pas eu pu partir en Union Soviétique pendant 3 ans. Tu y es resté 7 ans. Mais depuis que tu es rentré au Vietnam, tu n’ai pas encore daigné t’informer de moi. (interaction 13 – corpus en vietnamien) Selon le savoir-vivre, lorsqu’une personne nous accorde une faveur, nous devons lui être reconnaissant si nous ne voulons pas être considérés comme ingrat. La reconnaissance peut être témoignée de différentes façons. Rendre visite est, par exemple, un moyen simple mais très apprécié chez les Vietnamiens. L’homme dans l’exemple susmentionné est parti à l’étranger grâce au soutien d’un collègue mais depuis son retour au Vietnam, il n’est pas encore allé voir son bienfaiteur. Celui-ci lui adresse donc des reproches. 1.3.2. Action mal réalisée à l’instar des actions non réalisées, les mauvaises actions peuvent être divisées en sous-catégories actions peu conformes ou non conformes aux habitudes, aux conventions et actions peu conformes ou non conformes à la politesse, au savoir-vivre ou à la morale. 1.3.2.1. Actions peu conformes ou non conformes aux habitudes et aux conventions en vigeur. Ex : Interactants : un vieux et sa femme. - Tu as encore laissé le vasistas ouvert, m’a reproché mon vieux grognon. (interaction 68 – corpus en français) Selon l’habitude du couple, le vasistas doit être fermé la nuit. Cette nuit-là, la femme a oublié de le fermer. Le vasistas ouvert ne se conforme pas à la manière courante de ce vieux couples. La femme reçoit donc le reproche du mari. 1.3.2.2. Actions peu conformes ou non conformes à la politesse, au savoir-vivre ou à la morale Les actions peu conformes ou non conformes à la politesse, au savoir-vivre et à la morale sont souvent la cible du reproche. Ex : une mère et son fils. Keran ! Tu ne peux pas frapper la porte avant d’entrer dans ma chambre ? (interaction 6 – corpus en français) Dans les définitions du reproche des dictionnaires, l’objet du reproche se voit comme une conduite condamnable à l’encontre du locuteur (reprocheur). Cinq cas se présentent dans nos corpus : Dans le premier cas, la mauvaise conduite de l’interlocuteur (L2) touche directement le locuteur (L1) : l’offensé, L1 et le reprocheur sont donc identiques. Ex : Interactants : une femme et un copain de son fils. - Je vais partir en même temps que vous […] J’ai gagné suffisamment d’argent avec ma guitare dans le bar de Romain, pour payer mon billet d’avion. En France, avec ma pension d’invalidité, je pourrai … - Végéter et faire la manche dans le métro. - Pourquoi tu me décourages … toi ! (interaction 5 – corpus en français) Dans l’exemple ci-dessus, l’offenseur est le copain du fils. Son offense est à l’encontre de la mère. C’est elle qui est offensée puis reprocheur. Dans le deuxième cas, l’offensé n’est pas L1 mais une troisième personne, L3, qui a un lien strict avec L1. C’est pour cette raison que si L3 est affecté par une certaine conduite de L2, L1 se sent aussi touché et fait le reproche à L2. Ex : L’oncle Paul arriva et me dit, l’air mauvais, de foutre le camp, qu’on m’avait assez vu. La grand-mère me tira gentiment les cheveux et posa sur son fils un regard lourd de reproche. - Mais Paul, pourquoi tu t’en prends à ce gosse ? Il n’a rien fait, lui. (interaction 38- corpus en français) Dans le troisième cas, L2 se voir reprocher de sa mauvaise conduite qui touche à la fois L1 et L3. Ex : Interactants : une jeune fille reproche à sa tante. - Mes parents viennent de mourir et tout de suite, tu nous maltraites, ma sœur et moi! C’est toi qui es égoïste ! (interaction 25 – corpus en vietnamien) Pour le quatrième cas, L1 est relié à L2 par une relation étroite et L1 s’intéresse toujours à L2. C’est pourquoi, si l’action de L2 ne nuit à personne qu’à lui-même, L1 se sent également touché. L2 reçoit donc un reproche. Ex : Une mère reproche à sa fille : An, ferme la porte ! T’es bizarre ! T’es toute mouillée ! (interaction 29 - corpus en vietnamien) Dans le dernier cas, L1 lance à L2 un reproche sur une conduite qui a un mauvais effet à la fois sur l’un et l’autre. Ex : Interactant : une femme écrivain et un ami (son éditeur) - Mais tu es folle, mon chou ! Tu nous vires à la Dona Quichotte. Tu vas nous en perdre dix pour vouloir en sauver un ! (interaction 7 – corpus en français) Les cas susmentionnés peuvent être distingués plus facilement grâce à la présence des pronoms personnels désignant celui/ceux qui est/sont touché(s), affecté(s) par telle ou telle conduite de L2. 2. types de reproche. L’analyse des corpus nous a menée à distinguer différents types de reproche : reproche direct, reproche indirect, reproche de type mixte, direct et indirect, et reproche – trope communicationnel. La classification ne repose pas sur le mode de formulation du reproche mais sur la nature de la cible du reproche ou sur la coïncidence ou non de la personne à qui on adresse le reproche et la personne sur qui porte le reproche. 2.1. Reproche direct. Un reproche est appelé direct s’il cible directement l’interlocuteur. Dans ce cas, la personne à qui on adresse le reproche et celle sur qui il porte sont identiques. Autrement dit, le “reproché” et “l’allocutaire du reprocheur” sont coïncidents. Ex : une mère à sa fille : - Tu aurais pu nous en parler au lieu de nous jouer cette comédie infecte et nous faire passer pour des triples cons. Non ? (interaction 26 – corpus en français) Dans l’exemple ci-dessus, le reproche porte sur la fille et s’adresse à elle-même. Pour ce type de reproche, on utilise en général un pronom personnel à la deuxième personne : “tu” ou “vous”. Cependant, dans certains cas, nous voyons un nom ou un pronom personnel à la troisième personne. Examinons l’exemple ci-dessous : Ex1: une femme à un copain de son mari : Deux jours plus tard, maman convia Niels à dîner pour son anniversaire. - Alors, vilain […] Monsieur est rentré depuis plusieurs jours, mais il faut lui envoyer un bristol pour qu’il daigne venir embrasser ses amis. (interaction 24 – corpus en français) Avec l’utilisation de “monsieur” et les pronoms personnels à la troisième personne “lui”, “il”, la personne sur qui porte le reproche est en apparence une troisième personne. Cependant, ce n’est qu’une manière de dire figurée. En fait, le reproché est toujours l’interlocuteur. 2.2. Reproche indirect Au cas où la cible du reproche (la personne sur qui porte le reproche – L3) serait différente de l’allocutaire (celle à qui s’adresse le reproche – L2), on considère le reproche comme indirect. Pour ce type de reproche, L3 est associé étroitement à L2 : mari et femme, parents et enfants, frère et sœur, etc. Puisque L2 et L3 se sont reliés par une relation étroite, l’énonciateur tient L2 pour responsable indirect. Le reproche affecte donc indirectement ce dernier. Observons l’exemple ci-dessous : Ex 1 : un homme à sa femme. - Ton père m’a refusé son aide. Avec lui, on pouvait faire sortir Niel de taule, et tu sais ce que m’a répondu ce bol de merde ? “La loi est la loi. De quoi aurais-je l’air ? De protéger un homme présumé encore criminel ?” Le sinistre con, il est content, il m’a blessé, il me prend pour un pauvre mec, mais qu’il fasse attention, ton père ! (interaction 33 – corpus en français) Dans cet exemple, le mari adresse un reproche à sa femme. Cependant, le reproche ne porte pas sur elle mais vise le père de celle-ci : “ton père”. Dans ce cas, l’offenseur est une tierce personne absente de l’interaction. Le mari reproche à son beau-père de ne pas l’avoir l’aidé, de l’avoir blessé et considéré comme un pauvre mec. Quand il adresse à sa femme le reproche sur le comportement de son père, il tient aussi sa femme comme responsable de l’offense. Bien sûr, quand son père subit les reproches, la femme se sent indirectement touchée, affectée. Dans cet exemple, le beau-fils a recours à un niveau de langue très vulgaire en appelant son beau - père “le sinistre con” : le beau-fils est en effet riche mais a un niveau d’instruction très bas. Il est possible de généraliser le reproche indirect comme suit : A (le locuteur) adresse à B (l’interlocuteur) un reproche sur la conduite de C (une troisième personne ayant un lien de parenté avec B). 2.3. Reproche mixte (direct et indirect) Dans notre corpus, nous avons enregistré des reproches mixtes des deux catégories ci-dessus. Le reproche de type mixte est adressé à une seule personne - L2, tandis que la cible du reproche n’est pas unique. L’un est L2, l’autre est L3 ayant une relation proche avec L2. Ex : Interactants : un couple. T«i hái c«, t«i ®· lµm g× kh«ng ph¶i mµ c« vµ lò trÎ coi t«i nh­ ng­êi d­ng vËy ? à Qu’est-ce que j’ai fait pour que les enfants et toi, vous me considériez comme un étranger ? (interaction 19 – corpus en vietnamien) Dans cet exemple-là, la personne à qui l’homme adresse le reproche est sa femme. La cible de son reproche est non seulement la femme mais aussi ses deux enfants. Ce L3 est attaché à la fois à L2 et L1. 2.4. Reproche – trope communicationnel Ex : Interactants : une vieille dame et deux belle-soeurs. Mét lÇn ®ang b÷a c¬m do Thuý ®¶m tr¸ch […] Nh×n thÊy mÑ chång ®ang dïng tay gì x­¬ng c¸, KiÓu oang oang nh­ tr¸ch m¾ng ai : - ña, sao m¸ ph¶i ¨n c¸ c¬m ? M¸ kh«ng dïng ®òa gì x­¬ng ®­îc hay sao mµ ph¶i dïng tay ? Bµ ch­a tr¶ lêi v× ®ang nhai c¬m trong miÖng, ®· thÊy Thuý trõng m¾t vÒ phÝa chÞ d©u chång : - M¸ thÝch ¨n c¸ c¬m, m¸ biÓu em mua vÒ kho ®ã chÞ. à Ce jour-là, c’était Thuy qui préparait le dîner […] Voyant la belle-mère enlever les arêtes du poisson avec les doigts, elle a dit bruyamment comme pour reprocher à quelqu’un : - Oh, maman ! Pourquoi tu dois prendre des engraulis ? Pourquoi tu ne retires pas les arêtes avec les baguettes mais avec les doigts ? Du riz dans la bouche, la mère n’ayant pas lui répondre que déjà Thuy a lancé à Kieu un regard désagréable : - C’est maman qui m’a dit d’en acheter car elle aime les engraulis. (interaction 26 – corpus en vietnamien) En apparence, le destinataire direct de Kieu est sa belle-mère “Oh, maman ! Pourquoi tu dois prendre de l’engraulis ? Pourquoi tu ne retires pas les arrêtes avec les baguettes mais avec les doigts ?” Cependant, en réalité, la mère ne joue que le rôle du destinataire secondaire. Le destinataire principal – la vraie cible du reproche est Thuy puisque c’est elle qui a préparé le dîner ce jour-là. Comprenant l’intention dissimulée du reproche de la belle-soeur et se considérant comme le reproché, Thuy se justifie “C’est maman qui m’a dit d’en acheter car elle aime les engraulis”. Ainsi, en cas de reproche - trope communicationnel, le destinataire direct n’est que le destinataire secondaire. Quant au destinataire indirect, il devient le destinataire principal, la vraie cible du reproche 3. reproche et Relations interpersonnelles Après l’étude de la nature de l’offense commise (l’objet du reproche) et les types de reproche, nous cherchons à répondre à la question : Qui reproche à qui ? L’analyse des deux corpus nous a permis d’identifier la nature de la relation entre le reprocheur et le reproché. 3.1. Relation horizontale à travers les exemples recueillis dans nos deux corpus, nous avons remarqué que les Français et les Vietnamiens font en principe des reproches à des “connaissances”. Le degré de connaissance du reprocheur et du reproché est varié. Pour les relations familiales et familières, les reproches sont très nombreux dans les deux corpus. Un grand nombre de reproches se passe entre membres de la famille (mari et femme, parents et enfant, frère et sœur; oncle / tante et neveu / nièce, etc) et entre copains/amis. En relation plus distante, nous comptons moins de reproches. Cependant, nous avons observé dans le corpus en vietnamien des reproches faits envers les inconnus. Ils sont bien sûr beaucoup moins nombreux que les reproches dont les allocutaires se connaissent. Sur une soixantaine de reproches de ce corpus, nous avons identifié seulement 4 reproches dont le reprocheur et le reproché sont inconnus : un docteur et le témoin d’un accident routier (interaction 2) ; une passagère et un aide-chauffeur (interaction10) ; une jeune villageoise et un chef d’escadron (interaction 40) ; un homme et la deuxième épouse du mari d’une vieille amie (interaction 47). 3.2. Relation verticale La relation verticale peut se diviser en deux sous-catégories : relation égalitaire et relation inégalitaire. L’examen de deux corpus nous a menée à remarquer que la production et l’échange de reproches sont présents le plus fréquemment en cas de relation de type égalitaire : entre époux, entre copains, entre amoureux, en collègues, etc. En cas de relation de type inégalitaire, les reproches sont émis plutôt “downward”: de haut en bas, du supérieur à l’inférieur, par exemple des parents à l’enfant, de l’oncle au neveu, de la maîtresse à l’élève, du chef à l’employé, etc. Les reproches émis “upward” (de bas en haut) sont également présents mais peu nombreux. Bref, le reproche se fait en principe entre connaisances. Plus la relation des interactants est distante, moins on s’échange de reproches. En ce qui concerne la relation verticale, le reproche est particulièrement propice à la relation de type égalitaire. Pour celle de type inégalitaire, il est émis “downward” beaucoup plus fréquemment que “upward”. 4. reproche et face des interactants Comme nous l’avons présenté dans la première partie, les actes de langage se regroupent en deux grandes catégories d’actes : actes valorisants pour la face (FFAs) et actes menaçants pour la face (FTAs). Avec ses caractéristiques, l’acte de reproche ayant de mauvais effets sur la face des interactants est classé dans la deuxième catégorie. Les questions se posent : en premier lieu, quelle face des interactants est menacée par l’acte de reproche ? la face positive ou la face négative ? En deuxième lieu, la face de qui est menacée par le reproche ? celle du locuteur ou celle de l’interlocuteur ? 4.1. Reproche et face de l’allocutaire Tout d’abord, il est à dire que le reproche est menaçant pour la face de l’interlocuteur. Laquelle ? D’une part, il menace sa face positive. Premièrement, le fait que quelqu’un est reproché implique qu’il a commis quelque chose de mauvais. Sa face positive est donc touchée. Deuxièmement, le reproche étant pas nature un jugement défavorable met en position basse le reproché. C’est aussi un mauvais effet sur sa face positive. Troisièmement, si le reproche est juste, le reproché doit avouer sa faute, adresser l’excuse au reprocheur et se corriger. Tout cela constitue un FTA pour la face positive de l’allocutaire. Ex : Interactants : 2 connaissances. - Mais tu n’arrêtes jamais de poser des questions ? - J’suis curieux, excusez-moi (interaction 44 – corpus en français) Le reproche menace non seulement la face positive de l’interlocuteur mais encore sa face négative. Comment ? Le reproche, c’est par nature l’acte de jugement. Comme on le sait, tout acte de jugement est considéré comme acte d’ingérence dans les affaires d’autrui. L’acte de reproche constitue donc une sorte d’incursion territoriale, de violation d’intimité. Autrement dit, il se présente comme un FTA pour la face négative ou pour le territoire affectif de l’allocutaire. Dans l’exemple ci-dessous, la fille a rencontré un problème et a voulu parler à sa mère mais celle-ci était absente. Elle l’a attendue longtemps. Quand la mère est rentrée, la fille lui a reproché d’être restée trop longtemps dehors : “Où étais-tu, maman ? Tu as vu l’heure ?” Ces questions ont violé le territoire spacio-temporel de la mère, voire violer son droit de vivre sa vie. Ex : Interactants : une fille et sa mère. - Où étais-tu, maman ? Tu as vu l’heure ? accuse-t-elle. - Ai-je le droit de vivre un tout petit peu de ma vie ? (interaction 56 – corpus en français) 4.2. Reproche et face de l’énonciateur Le reproche fait perdre la face de l’interlocuteur. Quels sont donc les effets du reproche sur la face de l’énonciateur lui-même ? Quand l’énonciateur se donne le droit de juger son allocutaire, il se place en position haute et met en position basse son partenaire. Le reproche constitue donc un FFA pour la face positive de l’énonciateur. Sa face est encore valorisée au cas où le reproché reconnaîtrait l’erreur commise, formule l’excuse et rectifie sa faute. Ex : Interactants : le vendeur d’orchidées et un client. - … Hoa kh«ng h­¬ng mµ cËu d¸m nãi víi t«i lµ hoa cao quý l¾m. - Th­a «ng, chóng t«i thµnh thËt xin lçi v× ®· b¸n cho «ng chËu hoa kh«ng ®­îc nh­ ý. NÕu «ng th«ng c¶m, chóng t«i xin ®æi cho «ng chËu hoa kh¸c, tuú «ng chän. à - … Ils ne sont pas parfumés et pourtant tu m’as dit que c’étaient des fleurs précieuses. - Monsieur, nous vous prions de nous excuser de vous avoir vendu des orchidées non à votre souhait. Changez ce pot pour un autre à votre choix, s’il vous plait ! (interaction 22 – corpus en vietnamien) Cependant, si le reproche n’est pas juste, il est possible que le reproché ne reconnaisse pas sa “faute”, objecte, réfute le reproche voire renvoie le reproche envers l’énonciateur, il sauve ainsi sa face et en même temps fait perdre la face du reprocheur. Le reproche est dans ce cas-là d’abord un FFA puis un FTA pour l’énonicateur et un FTA puis un anti-FTA pour l’allocutaire. Examinons l’exemple ci-dessous : Ex : Interactants : les ex-amoureux. ThÕ lµ chµng vµ nµng ®· gÆp nhau sau 30 n¨m xa c¸ch. - Sao em l¹i d¹i dét thÕ ? Tù mang th©n m×nh ®Õn ®µy ¶i n¬i rõng s©u heo hót ? … Sao anh tµn nhÉn thÕ ? Trêi ¬i ! §µn «ng lµ nh­ thÕ ®Êy. Còng ch¼ng kh¸c g× con gµ ¨n xong lµ quÑt má råi l¹i ch¹y nh¶y tung t¨ng… Ph¶i råi, t«i d¹i dét, t«i ngu… à Finalement, ils se sont revus après 30 ans de séparation. - Pourquoi tu es si stupide ? Pourquoi tu te traites rudement dans ce coin perdu ? - Pourquoi tu es si méchant avec moi ? Mon Dieu, les hommes sont tous pareils. Vous êtes semblables à des coqs qui frottent leur bec juste après avoir mangé, puis gambadent joyeusement… Oui, c’est vrai, je suis stupide, je suis idiote… (interaction 34 – corpus en vietnamien) Dans cet exemple, l’homme a reproché à son ex-amoureuse d’être idiote d’avoir choisi la vie solitaire. Celle-ci a reproché en retour à l’homme d’être méchant avec elle. après le renvoi du reproche de L2, L1 – le reprocheur initial a perdu la face. Leur position a changé : le reproché devient le reprocheur et à l’inverse, le reprocheur devient le reproché. 5. Réaction au reproche Du point de vue sémantique et pragmatique, l’acte de reproche amalgamme deux composants : un jugement défavorable, une assertion évaluative négative d’une part et une demande de correction, de rectification qui mécontente, insatisfait l’allocutaire d’autre part. C’est pourquoi, une fois avoir reçu des reproches, l’allocutaire peut enchaîner sur tous les deux composants “assertion” et “demande de l’excuse et de la correction” ou sur l’un de deux. On distingue deux types d’enchaînements : enchaînements préférés (non marqués) et enchaînements non préférés (marqués). Ils sont en fait des réactions positives et négatives au reproche. 5.1. Réaction positive Selon sa définition, le reproche a pour but d’inspirer la honte ou le regret chez l’interlocuteur, l’amender ou le corriger. L’enchaînement préféré est que le reproché reconnaît sa faute, manifeste le regret ou la honte, formule l’excuse envers le reprocheur et corrige son erreur. L’idéal est la réaction positive sur les deux composants susmentionnés : l’accord sur l’évaluation négative et la reconnaissance de la “faute”. Ex : Interactants : 2 amis - … et bien en quinze jours, J’ai quand même appris… - Rien - Tu exagères ! - Ah oui, pardon ! L’autre jour, en lisant un article intitulé “ Comment améliorer son PC ?”, tu t’es enfin aperçue que PC ne signifiait ni “Parti communiste”, ni “Petite ceinture”, mais Personal Computer. (interaction 1 – corpus en français) Le reproché a tout d’abord mis l’accord sur l’évaluation (“Ah oui”) puis il accepte le reproche en s’excusant (“pardon”) et en corrigeant son erreur (“L’autre jour, … Personnal Computer”). Dans l’exemple ci-dessus, l’accord et l’acceptation sont bien distingués en deux phases. Cependant, en examinant les corpus, nous voyons qu’ils s’insèrent souvent l’un dans l’autre. Dans l’exemple suivant, l’excuse manifeste l’acceptation du reproche et l’acceptation implique à son tour l’accord de l’évaluation. Ex : Interactants : 2 jeunes inconnus: un chef d’escadron et une jeune villageoise. - ¥ c¸i nhµ anh nµy, ®i kiÓu g× thÕ ? ¦ít hÕt ng­êi ta råi ®©y nµy ! - Êy chÕt, xin lçi c« ! T¹i … t¹i c¸i xe nã …nã… à - Eh, quoi ! De quelle manière roulez-vous ? Voilà, je suis toute mouillée ! - Oh ! Excusez-moi ! C’est parce que… ma mobylette, … elle… (interaction 40 – corpus en vietnamien) L’acceptation du reproche implique l’accord de l’assertion évaluative mais pas l’inverse. Il y a des cas où l’on est d’accord sur l’évaluation mais on accepte pas le reproche : le reproche est donc rejeté. L’enchaînement au reproche n’est pas toujours verbal. Nous avons observé dans les corpus des enchaînements non verbaux. Pour ces cas-là, l’enchaînement est souvent sous la forme d’une action : c’est la correction de l’erreur commise. Ex : interactants : un couple senior. - Laurent, le verre de Claude est vide, reprocha Hélène. Laurent reversa du côte-de-nuits. (interaction 30 – corpus en français) L’acceptation du reproche est souvent accompagnée d’une justification. Pour sauver sa face et pour adoucir le mécontentement de l’énonciateur, l’allocutaire doit expliquer les raisons de sa conduite. Revenons à l’interaction 40, après l’acceptation du reproche, l’homme a cherché à justifier son acte en disant : “T¹i … t¹i c¸i xe nã …nã…” (C’est parce que… ma mobylette, … elle…). Dans l’exemple ci-dessous, le reproché accepte le reproche (il s’excuse auprès du partenaire) puis se justifie “Mais j’avais besoin de m’isoler. Impérativement.. ne voir personne, ne pas répondre au téléphone…” Ex : Interactants : 2 amoureux. - Ça fait du bien de te voir, a-t-il dit en me regardant. - Je commençais à en doûter. Il a souri. - Je sais. Je m’excuse de ne pas t’avoir rappelée. Mais j’avais besoin de m’isoler. Impérativement... ne voir personne, ne pas répondre au téléphone… (interaction 27 – corpus en français) Nous avons observé également un cas particulier. La réaction verbale et la réaction non-verbale du reproché sont en apparence contradictoires. Verbalement, le reproché ne reconnaissant pas sa faute, rejette le reproche. Cependant, son action prouve qu’il cherche à se corriger : il a reconnu l’erreur et accepté le reproche. Cela peut s’expliquer par ce que l’avou verbal de sa mauvaise conduite n’est pas toujours facile. Ex : Interactants : une fille et sa mère - MÑ buån c­êi thËt. Sao mÑ kh«ng rót quÇn ¸o cña bè vµo ? - Bè nµo ? - Bè con chø cßn bè nµo n÷a. - MÆc kÖ bè mµy. Ngoµi lan can ®· nhá lép ®ép mÊy giät n­íc, chÞ l¹i ch¹y ra rót nèt m¸y c¸i quÇn vµ ¸o cña l·o, trong bông Êm øc víi con bÐ qu¸. […] à - Pourquoi tu n’as pas rentré les vêtements de papa ? - Quel papa ? - Mon papa, bien sûr ! - Tant pis pour lui. Il a commencé à pleuvoir. La mère est sortie à nouveau pour rentrer les vêtements de son ex-mari. Elle ressentait de la rancoeur envers sa fille. (interaction 1 – corpus en vietnamien) 5.2. Réaction négative Comme nous l’avons dit, l’accord sur l’évaluation négative puis l’acceptation de se corriger est l’enchaînement idéal de l’acte de reproche. Cependant, ce n’est pas toujours le cas. Le désaccord sur l’évaluation et le rejet du reproche sont nombreux dans nos corpus. Il est à remarquer que le désaccord implique toujours le rejet. Ex : Interactants : un couple âgé. - ¤ng kh«ng th­¬ng t«i, «ng kh«ng lo l¾ng cho con c¸i. - Kh«ng th­¬ng bµ sao cã ®­îc bèn mÆt con.[…] Kh«ng lo cho con sao chóng sèng ®­îc. Kh«ng ®øa nµo h­ c¶. à - Tu ne m’aimes pas, tu ne t’occupes pas d’ enfants. - Si je ne t’aimais pas, on n’aurait pas eu 4 enfants. […] Si je ne m’occupais pas d’eux, ils ne seraient pas parvenu à leur maturité. De plus, aucun n’est corrompu. (interaction 49 – corpus en vietnamien) La femme évalue que son mari ne l’aime pas, qu’il ne s’occupe pas de leurs enfants. Le mari n’est pas d’accord avec le jugement de la femme. Le fait que le reproché est en désaccord avec le reprocheur sur son évaluation montre que le contenu propositionnel du reproche n’est pas juste. Si le contenu propositionnel - le composant le plus important du reproche est faux, le reproche n’est plus valable : il a été rejeté. 5.3. Autres types d’enchaînements À côté de deux types de réactions principaux : réaction positive et réaction négative, nous en avons trouvé d’autres dans notre corpus : déplacement du reproche, renvoi du reproche, évitement du reproche et demande de précision. 5.3.1. Déplacement du reproche On peut schématiser le déplacement du reproche comme suit : L1 reproche L2. L2 reproche à son tour L3. Le déplacement du reproche résulte du déni de la responsabilité dans l’erreur commise. C’est le déplacement de la responsabilité envers une troisième personne. Ex : Interactants : 2 collègues : un homme et une femme. (Contexte : Tran et Nga étaient deux collègues. Ils étaient tous célibataires. Nga aimait bien Tran et le considérait comme un grand frère. Une voisine célibataire voulant prendre mari a demandé à Nga de lui présenter un homme. Ce jour-là, Nga a amené Tran chez la voisine. Là-bas, ils ont vu un homme dans le lit de la femme. Au bout de quelques minutes, Tran et Nga ont pris congé.) Ra ®Õn cæng, anh TrÇn liÒn trót mét h¬i thë dµi nh­ hÊt ®¸ khái ngùc råi trÇm giäng b¶o Nga : “ C« ®ïa t«i ®Êy µ ?” Nga xÞ mÆt, bèi rèi : “Em ®©u cã ®ïa. Em kh«ng ngê chÞ ta l¹i lõa dèi em… ChÝnh chÞ ta ®· nhê v¶ em hÕt lêi… Em ®©u d¸m ®ïa giìn mét chuyÖn hÖ träng ®Õn thÕ” à à la sortie, Tran a soupiré comme pour repousser une pierre de la poitrine. Il a affaibli la voix : “Tu veux me faire mauvais tour, n’est-ce pas ?” La mine longue, Nga lui a répliqué d’un air embarrassé : “Non. Qui aurait pensé qu’elle m’a menti !… C’est elle qui m’a supplié de l’aider… Moi, je n’ose jamais badiner avec les affaires si importantes” (extrait 46 – corpus en vietnamien) Dans l’exemple, Tran a reproché à Nga – une collègue de lui avoir fait mauvais tour. Celle-ci a réagi en manifestant le désaccord sur le jugement de Tran : “non”, “je n’ose jamais badiner avec les affaires si importantes” et en déplaçant le reproche à sa voisine : “elle m’a menti”, “c’est elle qui m’a suppliée à l’aider”. La position de Nga a donc changé : du reproché au reprocheur. Le déplacement du reproche est avantageux pour le reproché L2 : en effet, c’est un moyen efficace pour qu’il sorte de la situation défavorable et sauve sa face. 5.3.2. Renvoi du reproche Le renvoi du reproche peut être appelé retour du reproche : L1 reproche à L2 mais L2 lance en retour le reproche envers L1. Dans ce cas-là, on parle de l’échange de reproche. Comme le déplacement du reproche, le renvoi du reproche manifeste le déni de la responsabilité dans l’erreur commise. Cependant, la responsabilité ne se déplace pas à une troisième personne mais retombe sur celui qui a fait le reproche initial. Après le retour du reproche, les interactants ont permuté de position. Le reproché L2 devient reprocheur et le reprocheur initial L1 est transformé en reproché. C’est le cas où le reproche est le plus menaçant pour la face de l’énonciateur L1 et où le reproché a pu limiter au mieux les mauvais effets du reproche initial sur sa face positive. Le type de réaction est comparatible généralement avec le désaccord et le rejet implicite du reproche initial. Le renvoi est donc total, complet. Ex : Interactants : une tante et sa nièce. (Contexte : Les parents de deux jeunes filles sont morts. La petite vivait chez la tante. Un jour, la grande a rendu visite à la famille de la tante. Quand la fille a appris que la tante ne s’occupait pas de sa soeur, elle était fâchée. La nuit, il faisait très chaud. Il y avait deux ventilateurs mais la tante les avait tournés vers ses deux enfants. À minuit, la grande soeur s’est réveillée et a tourné le petit ventilateur vers sa petite soeur. La tante s’est mis en colère.) […] d× t«i rÝt lªn. D× ®ay nghiÕn : - C¸i thø ng­êi c¸ nh©n chñ nghÜa. ChØ biÕt cã m×nh ! […] t«i d»n giäng : - Bè mÑ ch¸u míi chÕt mµ d× ®· ®èi xö víi chóng ch¸u nh­ thÕ ! D× míi lµ ng­êi chØ biÕt cã m×nh ! à […] elle a hurlé et monigéné en ressassant des paroles tracassières : - Quel individualisme! Tu ne penses qu’à toi ! […] j’ai appuyé mot à mot : - Mes parents viennent de mourir et tout de suite, tu nous maltraites, ma soeur et moi ! Ce n’est que toi qui es égoïste ! (interaction 25 – corpus en vietnamien) Dans l’exemple ci-dessus, la tante a reproché à sa nièce d’être égoïste. La nièce a répondu “Ce n’est que toi qui es égoïste”. Cet énoncé implique “ Moi, je ne le suis pas”. Ainsi, en retounant le reproche envers sa tante, elle a dénié le jugement négatif de celle-ci et a rejeté complètement son reproche. Cependant, le retour du reproche peut également impliquer, inclure un accord et une acceptation du reproche initial de L1. Ex : Interactants : 2 amoureux. … mais la prochaine fois que tu fais un truc à la maison, tu me le rappelleras avant pour que je m’organise. Je vous laisserai entre vous. - Pourquoi tu dis ça ? lança Myriam en s’approchant avec une pile d’assiettes. - Pour rien. C’est juste qu’on m’a pas une seule fois adressé la parole… - C’est toi qui n’as pas dit un mot ! objecta Myriam - Avoue que c’était difficile, avec l’autre qui nous racontait son génocide en long et en travers… (interaction 48 - corpus en français) Dans l’exemple, Laurent a reproché que les amis de Myriam ne lui ont pas parlé. Quand Myiam a répondu “C’est toi qui n’as pas dit un mot”, il a renvoyé à Myriam le reproche. Cependant, cet énoncé inclut que “oui, mes amis ne t’ont pas adressé la parole mais toi non plus, tu n’as pas dit un mot avec eux”. Pour lui, la faute provient non seulement de ses amis mais aussi de Myriam. Le reproche renvoyé peut porter sur le même objet ou sur un autre objet différent de celui du reproche initial de L1. L’exemple suivant contient une série de reproches échangés entre deux jeunes amoureux. Lors de la séquence de reproche, les interactants manifestent toujours le désaccord sur le jugement du partenaire et rejettent toujours son reproche en se justifiant et en renvoyant un ou des reproches à l’allocutaire. La fille n’est d’accord qu’avec le dernier jugement de l’homme. Examinons l’exemple suivant (interaction 48– corpus en vietnamien) : - Sinh nhËt cña em kh«ng ph¶i th¸ng 10. - VËy sao em b¶o víi anh lµ th¸ng 10 ? Vµ khi nµo anh tÆng hoa em còng nhËn, còng c¶m ¬n anh lu«n nhí ®Õn sinh nhËt em. Em thËt lµ coi th­êng ng­êi kh¸c ! - Kh«ng ph¶i em, chÝnh anh míi lµ ng­êi coi th­êng ng­êi kh¸c. Yªu nhau 3 n¨m, thö hái ®· bao giê anh quan t©m ®Õn em ch­a ? - Em cßn ®ßi hái anh quan t©m ®Õn em nh­ thÕ nµo n÷a ? Sinh nhËt nµo cña em anh còng nhí. ChØ cã em lµ kh«ng t«n träng anh th«i. T¹i sao em nãi dèi anh ? - Xin anh sö dông tõ cho chuÈn x¸c. Em ch­a tõng nãi dèi ai bao giê. Em chØ muèn thö anh th«i, thö xem cã bao giê t×m hiÓu vÒ ng­êi m×nh yªu mét c¸ch ch©n thµnh nhÊt. ChØ cã khi yªu ch©n thµnh ng­êi ta míi cÇn t×m hiÓu. Ho¸ ra c¸i ®é yªu cña anh dµnh cho em lµ sè 0. - Em nãi thÕ, ho¸ ra em ®· ®¸nh gi¸ t×nh yªu cña anh kh«ng ch©n thµnh. Mµ lµ ®¸nh gi¸ tõ rÊt l©u, tõ nh÷ng 3 n¨m nay ? - §óng vËy ! à - Mon anniversaire n’est pas au mois d’octobre. - Mais pourquoi tu m’a dit que tu es née en octobre ? De plus, tu m’as remercié de me souvenir de ton anniversaire chaque fois que je t’ai offert des fleurs ce jour-là. Comment tu m’as sous-estimé ! - Non, c’est toi qui me sous-estimes. On s’aime depuis 3 ans mais t’es-tu jamais intéressé à moi ? - Comment veux-tu que je m’intéresse à toi ? Je n’oublie jamais ton anniversaire. C’est toi qui ne me respectes pas. Pourquoi tu m’as menti ? - Emploie le terme exact, s’il te plaît. Je n’ai jamais menti personne. Je ne veux que sonder ton coeur, sonder si tu as jamais cherché à me comprendre. On ne cherche à comprendre l’autre que si on l’aime sincèrement. Il s’est avéré que le degré de ton amour pour moi est zéro. - Et tu penses que je ne suis pas sincère dans l’amour. Tu le penses depuis longtemps ? depuis 3 ans ? - Oui. Nous schématisons la séquence de reproche comme suit : L1 (l’homme) reproche à L2 (la fille) de l’avoir méprisé. L2 renvoie 2 reproches à L1. Le premier reproche renvoyé porte sur le même objet que le reproche initial de L1 : le mépris du partenaire. Le deuxième porte sur un autre objet : l’indifférence du partenaire. L1 rejette le reproche de L2 en se justifiant et retourne à son tour deux reproches à ce dernier. L’objet du premier reproche renvoyé reste identique à celui du reproche initial : le mépris de la fille. Le deuxième reproche renvoyé par L1 porte sur un nouvel objet : le mensonge de L2. L

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